La Zone verte, c'est l'Amérique en plein Bagdad

Publié le par JC



La Zone verte, c'est l'Amérique en plein Bagdad



L'Irak, pour les Américains, c'est la « Zone rouge ». Attentats, embuscades, bombes : le danger à tous les coins de rue. Mais le centre névralgique du pays, à Bagdad, c'est la « Zone verte » : un petit coin d'Amérique, hypersécurisé, où se joue l'avenir du pays. Visite avec notre correspondant en Irak.

BAGDAD (de notre correspondant). - « La Zone verte ? C'est l'Arche de Noé, sauf que ses occupants ne sont pas encore sauvés... » Ce civil américain qui souhaite garder l'anonymat, manie l'ironie pour décrire l'endroit où il vit et travaille. Avant d'avouer n'avoir jamais mis les pieds à l'extérieur de ces 10 km2 situés en plein centre de Bagdad. Une vraie ville dans la ville, où, entre les immeubles et les jardins, ont poussé les chicanes de béton, les entrelacs de barbelés et les bunkers. Tout cela entre les monuments officiels à la gloire d'un Irak oublié.

La Zone verte ? On l'appelle aussi la Zone internationale ou « l'Amirak ». Cette enclave entourée de hauts murs, a été créée dès avril 2003, quelques semaines après l'entrée des troupes américaines en Irak. C'est dans une boucle du fleuve Tigre qu'habitaient les dignitaires irakiens proches du pouvoir. Le palais républicain de Saddam Hussein en est le vestige. La Zone verte est désormais le siège des autorités civiles et militaires irakiennes et américaines, mais aussi celui des ambassades étrangères et des Nations unies. Et, pour les Irakiens, le symbole de l'occupation américaine de leur pays. Tout s'y passe : sessions des parlementaires irakiens, procès de Saddam Hussein et des anciens dignitaires, visite de diplomates étrangers...

Bienvenue dans l'un des endroits les moins accessibles du monde. Sauf pour les Américains. Pour les autres, il faudra se faire escorter en traversant la « zone rouge », - autrement dit le reste de l'Irak -, par hélicoptère ou en bus blindé, depuis l'aéroport de Bagdad. Aux entrées : chars et armes lourdes en guise de chiens de garde. Les innombrables check-points sont contrôlés par des soldats privés, les contractors, salariés de sociétés de sécurité employées par l'armée américaine. « On trouve des mercenaires de toutes les origines : des Péruviens, des Népalais, des Anglais, des Pakistanais, des Sud-Africains », poursuit l'employé.

Point commun à tous les habitants de la « Zone internationale » : le badge biométrique, imposé par les Américains, indispensable pour y entrer et en sortir. Pour obtenir ce sésame, il faut donner ses empreintes digitales mais aussi oculaires et des photos prises sous six angles différents après avoir rempli toutes sortes de documents. Formalités longues et compliquées. Après, seulement, les portes de la Zone verte peuvent s'ouvrir aux visiteurs et à quelques Irakiens.

S'il n'y avait pas ces quelques échoppes irakiennes et ces murs criblés de balles, on se croirait bel et bien aux États-Unis. Des gros bras en uniforme y mâchent du chewing-gum à longueur de journée, des femmes en short court font leur jogging le long du Tigre, des 4 x 4 sillonnent les grandes avenues. Dans des supermarchés bien achalandés, les soldats en mal du pays peuvent trouver les produits made in US  payables en dollars. Le Pizza Inn et le Subway attirent une clientèle du Midwest ou du Texas, casquette aux couleurs du drapeau de l'oncle Sam sur la tête.

Tout cela à quelques centaines de mètres du reste de la ville, où les femmes sont presque toutes voilées et les enseignes américaines inexistantes. « C'est comme si on avait transporté un morceau du territoire américain à Bagdad », ironise un Américain, chargé de vendre du ciment pour la construction de murs en Irak. Lui non plus n'est jamais sorti de la Zone verte et n'a aucune idée de ce qui se passe dans le reste du pays. Dans les rares échoppes irakiennes de l'« Amirak », on vend les derniers films hollywoodiens aux soldats qui peuvent aussi obtenir des DVD pornos, vendus sous le manteau. Les résidents de la Zone verte, exceptés les Irakiens y habitant, peuvent jouer au badminton, chanter au karaoké et flâner dans les quelques bars surveillés par la CIA. Dans le Green Zone Cafe, des mercenaires sirotent des verres d'alcool, leurs pistolets 9 mm posés sur la table. L'American Way of Life à deux pas des milles et une nuits... Parfois, la guerre fait son irruption dans cet univers. Depuis le début du conflit, des obus de mortiers tombent presque tous les jours et, malgré les contrôles, les check points, les barbelés, des kamikazes ont déjà réussi à s'infiltrer. Lors de la visite de Bernard Kouchner, début juin, une voiture piégée avait explosé à l'entrée, causant la mort de deux personnes.

Le gouvernement irakien commence à s'impatienter. Soumis à des « humiliations », des hommes politiques irakiens demandent le départ des Américains de la Zone verte. À l'instar de Mahmoud Mashhadani, président du Parlement irakien, qui se plaint souvent d'être « reniflé par les chiens avant de pouvoir entrer au Parlement ». « La question de la souveraineté mais aussi de la sécurité, de la dignité nationale et de la prospérité économique se trouve dans la Zone verte », expliquait Adel Abdel Mehdi, vice-président irakien. Les Américains l'ont bien compris. Ils viennent d'y lancer un énorme chantier : celui de la nouvelle ambassade américaine. Elle sera la plus grande du monde et abritera 3 000 personnes.

 

Feurat ALANI.

Sources
Ouest France

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans LE PILLAGE DE L'IRAK

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