Prohe-Orient : croisée des chemins stratégiques

Publié le par Adriana Evangelizt

Proche-Orient : croisée des chemins stratégique

 

Lyndon LaRouche, pré-candidat présidentiel aux Etats-Unis, a tenu ce discours le 5 juin à Abu Dhabi, lors d’une conférence du Centre Zayed pour la coordination et le suivi, sur le thème« Le rôle du pétrole et du gaz naturel dans la politique mondiale ».

Nous sommes à une croisée des chemins de l’histoire mondiale. Si le monde devait poursuivre sur la voie actuellement adoptée par mon gouvernement et d’autres, la civilisation s’en trouverait plongée, pour une génération ou peut-être plus, dans un âge des ténèbres comparable à celui qui frappa l’Europe il y a quelque 750 ans. Nous ne devons pas faire comme si ce danger n’existait pas, tout nous engageant en faveur de l’alternative porteuse d’espérance que préféreront les gouvernements sages. Par conséquent, je parlerai franchement, mais avec optimisme, d’une autre croisée de chemins, le Proche-Orient.

L’histoire du pétrole dans cette région remonte aux plans conçus par la Marine britannique en vue de ce qui allait devenir la Grande Guerre de 14-18. L’Empire britannique entendait utiliser ce pétrole pour donner à sa marine l’avantage stratégique décisif que représentait son utilisation comme combustible pour les bâtiments de guerre, à la place du charbon. Depuis cette époque, comme le savent toutes les nations représentées ici, cette région a été dominée par les luttes entre grandes puissances pour le contrôle des avantages économiques et stratégiques spécifiques du pétrole exploité ici. Toutefois, le pétrole seul n’a jamais déterminé le sort du Proche-Orient ; car aussi loin que remonte l’histoire connue de la civilisation, bien avant la découverte du pétrole, le Proche-Orient représentait la croisée des chemins entre l’Eurasie et l’Afrique, comme il l’est encore aujourd’hui. Avec ou sans pétrole, le Proche-Orient gardera toujours cette signification stratégique historique.

Aujourd’hui, il existe des plans irréfléchis, comme ceux qui ont fait l’objet de discussions entre mon gouvernement et celui de la Russie, pour tenter de soustraire le monde à sa dépendance actuelle vis-à-vis du pétrole proche-oriental. Une telle politique ne pourrait qu’apporter un facteur supplémentaire de chaos à une situation monétaro-financière et économique mondiale, déjà globalement explosive. J’espère pouvoir persuader les puissances d’abandonner des impulsions économiques et géopolitiques aussi imprudemment incompétentes que celles-ci.

Dans tout ordonnancement sain des affaires économiques stratégiques du monde, le pétrole proche-oriental continuera d’être - pour au moins une génération - un facteur exceptionnel d’approvisionnement énergétique pour l’économie mondiale, et ce pour des raisons économiques qui devraient être évidentes. Cependant, pour tout ce qui touche aux affaires du monde aujourd’hui, étant donné la situation désespérée, nous ne devons pas être assez naïfs pour présumer que les nations, qui sont peut-être grandes - ou simplement puissantes - auront de ce fait une réaction saine face aux faits stratégiques pertinents.

Si je me concentre sur le pétrole, c’est dans le contexte des options stratégiques historiquement déterminées pour un Proche-Orient défini par son rôle ancien et actuel de carrefour stratégique de l’Eurasie. Après avoir défini ce contexte, je reviendrai sur la question du pétrole en tant que tel, abordant sa production et sa commercialisation en tant que facteur crucial d’une importance stratégique vitale pour le Proche-Orient, région dotée de qualités écologiques spécifiques et de caractéristiques culturelles implicites.

J’aborderai trois facteurs distincts mais liés, à prendre en compte dans toute tentative de prévoir l’avenir de la région et de son pétrole : le facteur écologique, l’économique et le politico-stratégique.

Pour commencer, observons avec un zoom, comme depuis une station spatiale en orbite, l’écologie passée et présente de cette partie de la biosphère mondiale. En pensée, revoyons le long processus historique de la fonte du grand glacier eurasiatique, il y a quelque 19 000 ans, quand le niveau des océans était à peu près 120 mètres plus bas que leur niveau actuel. Observez l’évolution de la région méditerranéenne au cours du millénaire suivant. Considérez la phase ultérieure de la grande dessiccation des régions, autrefois riches, du Sahara, du Golfe et de l’Asie centrale. Ce panorama, vu en accéléré, nous rappelle fort utilement ce que nous savions déjà : le facteur économique et stratégique le plus déterminant de cette région n’est pas le pétrole mais l’eau douce. La caractéristique de cette partie d’une civilisation à prédominance islamique, qui s’étend du « toit du monde » en Asie jusqu’au Moyen-Orient et à travers l’Afrique du Nord, est la lutte continuelle contre la désertification qui avance depuis six à huit mille ans.

Aujourd’hui, nous avons la capacité scientifique de commencer à contrôler, sinon de renverser, certains effets de ce processus. Voilà le principal défi écologique stratégique qui entrave la réalisation d’un potentiel autrement énorme, présent dans la civilisation arabe depuis presque deux millénaires. C’est dans la mesure où nous faisons des progrès significatifs dans l’application et l’amélioration des méthodes de production et de distribution de l’eau douce, que d’autres facteurs décisifs de développement verront le jour. Dans ce cas, le potentiel stratégique implicite du Moyen-Orient au carrefour de l’Eurasie pourra se réaliser. Toute prévision à long terme sur l’avenir du pétrole moyen-oriental doit se situer dans le cadre de ce défi.

Le développement de la production et de la gestion de l’eau douce, qui est lié au rôle du pétrole, est le fondement indispensable de toutes les autres perspectives optimistes pour un développement pacifique et politiquement stable de la région proche-orientale. Si les gens manquent de l’essentiel pour la vie, il n’y pas de paix. Ils vivront comme les vagues successives de « pirates terrestres » de l’empire mongol, qui déferlèrent en Europe et au Moyen-Orient depuis l’Eurasie dans un passé lointain. Il n’y aura pas de paix sans approvisionnement adéquat en eau.

Le concept du pont terrestre

Ceci m’amène aux questions économiques centrales. A cette fin, considérons que le plus grand potentiel économique du Proche-Orient est sa position de carrefour pour l’ensemble de l’Eurasie. Bien que l’importance stratégique du canal de Suez reliant la Méditerranée et l’océan Indien soit évidente, je vais démontrer pourquoi les routes terrestres traversant le Proche-Orient sont des formes de transport beaucoup plus intéressantes pour l’Eurasie, mais aussi comme liaison entre l’Afrique et l’Asie.

C’est une règle comptable élémentaire que le coût du transport d’un produit, que ce soit par mer ou autrement, doit être comparé à son coût de production jusqu’à son chargement. Par conséquent, nous tendons à transporter des produits ayant un prix par tonne relativement faible, comme le pétrole et les céréales, par voie maritime ou fluviale, ce qui coûte moins cher. L’augmentation du travail productif, sous forme de valeur ajoutée au produit, au cours des diverses phases de production, réduit la part des coûts de transport dans la valeur totale de ce produit. Donc, plus la valeur ajoutée à un produit brut ou semi-fini est élevée, plus la prospérité relative que l’exportation de ce produit apportera à la région ou au pays exportateur augmente. C’est un fait que les meilleurs économistes et hommes politiques d’Europe et des Etats-Unis ont compris depuis plus de 150 ans.

Jusqu’à l’époque moderne, le transport par voie d’eau constituait le principal fondement de l’amélioration des conditions matérielles de la vie humaine. Ceci jusqu’à ce que, voilà 170 ans, l’économiste germano-américain, Friedrich List, esquisse un concept de ce qui allait devenir la révolution des chemins de fer. Ce développement a été accéléré par la mise en place aux Etats-Unis, à l’époque du président Abraham Lincoln, d’un système de chemins de fer transcontinental, qui contribua de façon décisive à faire de ce pays une puissance économique mondiale. Après 1876, les « méthodes américaines », illustrées par le système de chemins de fer transcontinental, furent adoptées en Allemagne, en Russie, au Japon et ailleurs, y compris en Chine.

Il est vrai que l’effort pour relier par rail l’Atlantique au Pacifique, vers l’est, tout comme les Etats-Unis l’avaient fait en direction de l’ouest, était considéré par l’empire britannique comme une menace à sa suprématie maritime stratégique dans le monde, ce qui allait donner les deux guerres mondiales géopolitiques du XXème siècle. Il est vrai aussi qu’il existe aujourd’hui aux Etats-Unis une faction « utopiste » influente, prête à déclencher une guerre géopolitique dans toute l’Eurasie continentale afin d’empêcher le développement interne des continents asiatique et africain. Cependant, bien que cette géopolitique soit totalement contraire à toute définition rationnelle des intérêts d’une économie américaine en proie à l’effondrement monétaro-financier mondial, elle est malheureusement soutenue par certains cercles très puissants, du moins pour le moment.

Dès lors, quelle que soit la politique américaine, la réalité de la crise mondiale va probablement nécessiter quelques changements fondamentaux dans cette politique et la façon de penser de ses dirigeants. Il n’y a aucun espoir que les Etats-Unis se remettent de la crise économique mondiale s’ils ne lancent pas une coopération en vue du développement des continents eurasiatique et africain, basé sur les voies de transport terrestre, et si les Etats-Unis doivent trouver une solution aux inévitables désastres que provoquera bientôt leur politique actuelle, elle doit réserver au Proche-Orient un rôle spécial.

La solution à cette crise stratégique n’est pas à chercher dans le pétrole en tant que tel, mais dans la façon d’utiliser sa production et sa commercialisation de manière à servir les intérêts plus globaux et à plus long terme de la région. Des gouvernements stables, des relations stables avec d’autres régions constituent la première ligne de défense contre les forces et les dangers qui la menacent actuellement. Le développement du transport est un excellent exemple des mesures de défense nécessaires.

L’avantage spécifique du rail moderne, ou des lignes à lévitation magnétique, par rapport au transport maritime, réside dans le fait élémentaire qu’à quelques exceptions près, le produit transporté par mer ne s’améliore pas, en tant que tel, pendant le trajet. Dans les conditions optimales, et sur le long terme, les corridors de transport basés sur le rail moderne ou la lévitation magnétique sont plus rapides et nettement moins coûteux que le transport maritime. Comme ce fut le cas des premiers réseaux de chemins de fer américains, ces routes n’étaient pas simplement vouées au transport ; c’est le système qui a transformé des zones économiquement insignifiantes en régions riches, jouissant d’un développement économique redoutable. Les investissements dans chaque kilomètre du réseau, le long de ces routes principales et secondaires, ont engendré un gain net pour la nation sous forme d’activités agricoles, minières et industrielles, dépassant de loin le coût de la construction et de maintenance du système.

Au lieu de penser à relier deux points par une ligne ferroviaire ou un système à lévitation magnétique, considérez cette ligne comme l’épine dorsale d’un corridor de développement s’étendant sur 50 à 100 kilomètres de part et d’autre. Parallèlement à cette épine dorsale, on installera l’infrastructure nécessaire pour l’approvisionnement en eau et en électricité. En certains endroits, le long de ce corridor, on construira des complexes agro-industriels à côté de centres urbains. D’autres complexes de ce type, plus petits, peuvent aussi être créés ailleurs. Ce que je décris ici sommairement est l’équivalent moderne des méthodes utilisées pour créer une révolution agricole et industrielle aux Etats-Unis il y a un siècle et demi.

En concentrant dans ces corridors les ressources pour le transport, l’eau et l’électricité, on en tire la gestion la plus efficace. Et en s’efforçant d’y concentrer le développement, on obtient l’utilisation la plus économique de la superficie totale disponible. Dans des conditions de croissance continue, des corridors de développement secondaires se développeront rapidement à partir des corridors principaux.

Cette méthode peut aussi être appliquée, à l’aide d’une combinaison de technologies existantes ou en cours de mise au point, pour transformer l’intérieur de l’Asie, y compris ses déserts et toundras.

En appliquant la bonne politique, le coût net de tels corridors de développement est inférieur à zéro. Les biens et marchandises étant acheminés le long de l’épine dorsale du corridor, on génère de nouvelles richesses dans chaque complexe agro-industriel et résidentiel situé le long de cette route et aux alentours.

Maintenant, considérons le cœur du monde arabe, de l’Atlantique aux frontières de l’Iran, de la Turquie et de la Transcaucasie. Tournons notre regard vers le canal de Suez et le Sinaï, là où l’Afrique rejoint l’Asie. Considérons le transport maritime entre la Méditerranée et l’océan Indien, ainsi que le réseau de routes naturelles pour les corridors de développement terrestres qui rallieront aussi les ports maritimes. Prenons en compte les volumes de matières premières et de produits semi-finis qui passeront par le Proche-Orient en provenance d’Asie, à l’est, et d’Europe, à l’ouest.

Le Proche-Orient est aujourd’hui, comme il l’a été depuis des milliers d’années, avant même la construction des grandes pyramides d’Egypte, l’un des carrefours naturels du développement de la civilisation.

Je souligne encore qu’à chaque fois que nous transformons du matériel et des pièces en produits semi-finis ou finis, nous diminuons le pourcentage du coût du transport dans le coût total de ce produit. Le Proche-Orient ne doit pas être une simple route de transit pour les biens et marchandises ; il doit être aussi un théâtre dans tout le processus de production des richesses mondiales.

Que deviendra le pétrole proche-oriental dans ces conditions ? On assistera à une évolution naturelle des tendances de la consommation. La consommation domestique augmentera avec le développement productif. Aussi, le pétrole et le gaz naturel seront de plus en plus utilisés comme matières premières chimiques dans la production, notamment au Proche-Orient même.

Les questions stratégiques

Que peut-on donc prévoir pour l’avenir proche du pétrole ? Nous devons nous poser trois questions. D’abord, quelles sont les alternatives disponibles ? Deuxièmement, laquelle sera probablement retenue et par qui ? Troisièmement, le résultat sera-t-il un succès ou un désastre, comme les politiques de ces 35 dernières années qui ont amené le monde au bord de la catastrophe ?

S’il est intelligent, le monde comparera l’échec du système monétaire et financier de 1971 à 2002, avec ses taux de change flottants, au système qui a relativement bien fonctionné de 1945 à 1965 avec des taux de change fixes. Si la raison l’emporte, les aspects centraux de ce dernier système devront être intégrés dans la formulation de réformes globales d’urgence. Dans ce cas, nous rétablirons une forme protectionniste de système monétaro-financier à taux fixes, un nouveau système à réserve or, similaire à celui de la période 1945-65.

Au cours des 35 dernières années, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et d’autres puissances industrielles, autrefois fortes, se sont laissés démolir par l’absurde illusion d’une « société postindustrielle » ou « société de consommation ». Cette politique utopiste mena à la destruction, en 1971, du système monétaire et financier mondial, lorsque les dirigeants américains abandonnèrent le système en vigueur entre 1945 et 1965, déclenchant ainsi le démantèlement accéléré des systèmes de régulation sur lesquels reposaient la stabilité du développement économique et la prospérité.

Maintenant, ce système adopté en 1971 ne peut plus être sauvé. L’illusion de la « nouvelle économie » s’effondre. Ainsi, il y a 35 ans, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont opéré un changement dans la politique mondiale qui s’est avéré une terrible erreur. Il est temps de corriger cette erreur, de revenir à des principes sains, ayant fait leurs preuves, et de coopérer dans l’organisation de la reprise économique globale dont on a urgemment besoin.

Dans un contexte de faillite générale du système financier mondial, alors que la réorganisation à grande échelle des actifs faillis est en cours, le facteur décisif de la reprise économique sera la création de nouveau crédit à long terme et bon marché, principalement destiné à des programmes essentiels de mise en place d’infrastructures économiques de base. Ces investissements dans l’infrastructure permettront ensuite l’expansion du développement agricole et industriel. Ce sont les Etats-nations parfaitement souverains qui fourniront ces investissements, sous forme de prêts à très faible loyer, sur 25 ans ou plus.

Dans ce contexte, on doit augmenter massivement l’afflux de technologies de pointe vers des régions souffrant d’un manque critique d’apports technologiques.

Nous devons aussi conclure des accords à moyen ou long terme prévoyant des prix justes, relativement fixes, pour certaines catégories de biens, notamment dans le commerce mondial. Ce système de prix justes s’appliquera aux ressources énergétiques, notamment au pétrole, qui a une relation sensible avec la circulation du crédit dans le monde. Prix juste veut dire le prix auquel le pays fournisseur moyen peut continuer à produire, avec profit, la quantité et la qualité dont l’économie mondiale a besoin. Des prix stables pour les matières premières essentielles, comme le pétrole, conjugués à de faibles intérêts nominaux à long terme sur les flux internationaux de crédit, représentent une nécessité cruciale pour assurer un processus durable de reconstruction.

Ces mesures ne sont pas une question de goût, mais de survie, il faut les adopter. Si le bateau coule, aucun passager rationnel n’ira dire : « Je ne supporterais jamais qu’on me voie sur un canot de sauvetage ! »

Certains protesteront que nous sommes en temps de guerre et non pas dans les conditions de paix qui marquèrent le système monétaire de 1945 à 1965. C’est vrai. Cependant, si les nations ne sont pas prêtes à établir les préconditions institutionnelles d’une paix durable, notamment les conditions économiques essentielles, alors l’avenir immédiat de la civilisation, partout dans le monde, est sans espoir. Mieux vaut se sauver en embarquant sur le canot. Le premier pas à faire consiste à reconnaître, enfin, le fait tout simple que le bateau - le système financier et monétaire actuel - est en train de couler, irréversiblement. Alors, peut-être, les gouvernements et autres prendront-ils les mesures qui s’imposent pour assurer la paix et la prospérité.

Sources : Solidarité et progrès

Posté par Adriana Evangelizt

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