Le degré zéro de l'humanité

Publié le par Adriana Evangelizt

Le degré zéro de l’humanité

par Sid-Lakhdar Boumediène



A Baghdad, un homme vient d’être l’objet d’une barbarie immonde. Qu’importent ses crimes, qu’importe l’abjection que ressent l’auteur de ce présent article pour un être dont la brutalité a été innommable.

Un homme a été pendu par d’autres hommes dans un spectacle abject retransmis au monde entier pour assouvir la part sombre de chacun, apaiser les consciences et dissimuler la lâcheté. Que les partisans de la peine de mort se réjouissent ! Que les jeux du cirque débutent ! Que s’entendent les hurlements vengeurs d’une foule en délire et en mal de sensations ! Que l’on se délecte à la vue à la vue d’une exécution et que tous les fantasmes morbides soient à leur comble ! Les Etats-Unis, partisans farouches de la peine de mort, viennent de nous montrer un des échantillons de leur projet d’exportation de la démocratie. A la barbarie d’un homme, on répond par la barbarie d’un système. Tous innocents d’ailleurs, il n’y avait pas grand monde, hier encore, pour l’acclamer, l’aduler et le sanctifier, le maître tout-puissant de Baghdad. Ils étaient tous martyrs et innocents, entre les mains d’un seul homme, que pouvaient-ils faire ? Mais, après tout, nous rétorquent les défenseurs de la peine de mort, c’est au nom du peuple qu’est exécutée la sentence. Dans ce cas, qu’ils assument, qu’ils en soient les témoins et qu’ils participent à la besogne ! Que l’on coupe les mains et que l’on tranche les têtes en place publique, c’est bien ce qui se passe encore dans nombre de pays qui entretiennent avec nous d’honorables relations diplomatiques. On leur envoie même des pèlerins pour purifier leur âme dans un lieu sacré dont ils sont les gardiens. Que l’on organise, comme cela a été le cas récemment en Iran et en Afghanistan, un vaste rassemblement d’une foule hystérique où l’on mènerait le père de la victime au pied du condamné dont le cou est déjà paré du nœud de la corde. Ce père ayant lui seul le droit de pardonner dans l’ultime instant. Non seulement cette exécution et le show macabre de sa retransmission représentent le degré zéro de l’humanité mais elle ne sert à rien si ce n’est que d’empirer l’abîme sauvage dans lequel se débat la société irakienne. On répond à la barbarie par la barbarie, et c’est sur ce ciment que l’on veut bâtir une société juste et intelligente. Il y a du travail ! Puisque les défenseurs de la peine capitale soutiennent que le châtiment doit être proportionné au crime, la mort n’est-elle pas encore trop douce pour ce tyran qui en a exécuté des dizaines de milliers. Le juste châtiment pour ce roi de Baghdad ne serait-ce pas de le livrer à la foule ? Ce serait conforme à leur vœu d’équité. Qu’on l’insulte, qu’on le mutile, qu’on lui crache au visage, qu’on le torture en public et qu’on se réjouisse de son maintien en vie pour qu’il puisse encore et encore endurer la conséquence de ses actes. N’est-ce pas là la pénitence qu’un père, une mère ou une épouse puisse exiger comme légitime sentence ? Ce serait en effet conforme au principe de juste châtiment, puisque ces défenseurs souhaitent que l’on fasse preuve de moins d’angélisme lorsqu’il s’agit de la douleur des autres face à celle des victimes, et bien soit, c’est comme cela qu’il faut procéder et pas autrement. Si la réponse de l’humanité au crime doit être proportionnée, alors la peine de mort est en toute logique insuffisante pour le bourreau de Baghdad. Ainsi, le cas américain, car il s’agit bien de la justice américaine qui vient de sévir, est exemplaire car il nous rappelle que le degré de barbarie n’est pas toujours corrélé au niveau de développement. L’être humain, au fait de sa gloire sur le monde du vivant, se grise de son avancement technologique, se délecte de son savoir immense et s’épanche en autosatisfaction à propos de son degré de culture. Pourtant, il n’a pas avancé d’un pouce sur la question originelle que lui a posé le geste fatal que porta Caïn sur son frère Abel. Que les algériens se réjouissent, ils font partie de ces Etats qui n’ont pas renoncé à l’équité dans la réponse à la barbarie. Et tout le monde sait à quel point cela élève le niveau de conscience politique de nos dirigeants, annihile la corruption, supprime les meurtres et la misère sociale.

Sources
El Watan

Posté par Adriana Evangelizt

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