Le faucon américain à bout de souffle

Voilà un article de chez nos amis russes qui ne manque pas de piquant...

Le faucon américain à bout de souffle

Par Leonid Radzikhovski

membre du Conseil des experts de RIA Novosti

Quels sont les intérêts de la Russie en Iran? Ses intérêts sont assez transparents. La Russie est préoccupée par le programme nucléaire iranien. Elle redoute, certes, les missiles américains qui pourraient être déployés en Europe, mais le nucléaire civil de Mahmoud Ahmadinejad apparaît encore plus redoutable.

La Russie souhaite éviter d'envenimer ses relations avec l'Iran et de perdre son image de marque d'avocat des "humiliés et offensés", pour reprendre l'expression de Dostoïevski, image qu'elle a eu tant de peine à bâtir et qui lui permet consolider son influence et d'obtenir de juteux contrats, y compris en Iran.

Comme toujours, la Russie a besoin de la hausse des prix du pétrole. On dit qu'un afflux trop important de pétrodollars nuit à l'économie, comme trop de sucre provoque le diabète... Il n'en est rien: la Russie semble résignée aux ennuis dus à la manne pétrolière et ne se hâte pas d'assainir son économie pour se préparer à l'inévitable baisse des prix.

Comment concilier ces réalités incompatibles?

Si les Etats-Unis décident de bombarder les sites nucléaires (et toutes les infrastructures militaires) iraniens, la Russie en tirera énormément de profits. Tout le monde comprend que la guerre terrestre n'aura pas lieu. Mais un bombardement à l'instar des frappes israéliennes qui ont détruit les sites nucléaires de Saddam Hussein est théoriquement possible. La Russie pourrait ainsi atteindre d'un coup tous les objectifs susmentionnés, sans oublier qu'un bombardement hypothétique lui donnerait un argument de poids pour dénoncer les atteintes américaines au droit international et permettrait de consolider la société russe sur la vague antiaméricaine, à plus forte raison en prévision des échéances électorales.

Reste à savoir si l'oncle Sam est une nouvelle fois prêt à tirer les marrons du feu au profit de la Russie. En principe, il pourrait ainsi régler ses propres problèmes. D'abord, les Etats-Unis sont préoccupés par le problème nucléaire iranien. Ensuite, le président George W. Bush souhaite maintenir sa côte de popularité, même s'il quitte à jamais la Maison Blanche, et l'image de marque des Etats-Unis dans le monde. Une opération militaire réussie et peu sanglante lui garantit une remontée dans les sondages. Aujourd'hui, les Etats-Unis ne suscitent guère le respect et la sympathie de la communauté internationale, et il ne leur reste qu'à agir selon le principe: "Peu importe la haine, pourvu qu'ils aient peur de nous!" Avec les bombardements, cet objectif est facile à atteindre.

L'Europe ne serait pas moins reconnaissante à Washington pour les bombardements, et le monde arabe le serait encore plus, car il déteste Mahmoud Ahmadinejad, tel un Napoléon arabe aux accents hitlériens. Les Européens et les Arabes exprimeraient leur reconnaissance dans la forme la plus naturelle, en condamnant avec plus ou moins de fermeté l'antiaméricanisme américain (Europe) ou en proférant des malédictions infernales (monde arabe).

Si, au contraire, les Etats-Unis se contentent d'un nouveau "blabla" au Conseil de sécurité de l'ONU pour faire le jeu des Iraniens, le risque politique pour les Américains sera égal à zéro, si ce n'est celui de la prolifération des armes nucléaires dans le monde, et le profit n'en sera pas moins grand.

Le problème réside dans la volonté politique du faucon américain qui ne bat plus que d'une aile. George W. Bush semble épuisé dans son messianisme, fatigué de cette sacrée politique internationale, et ne semble plus vouloir s'exposer à toutes les critiques.

Si le gendarme finit par rengainer son revolver pour se consacrer à la défense de sa propre maison, le monde entier ne pourra que s'en réjouir. On espère tout de même que le gendarme sait ce qu'il fait et qu'il ne dérogera pas à ses engagements.

Sources Ria Novosti

Posté par Adriana Evangelizt