Une pensée pour la Palestine

Publié le par Adriana Evangelizt

Retrait de Gaza : Ariel Sharon est-il digne de confiance ?
 
par Hani Ramadan
 
 
Peut-on aujourd’hui faire confiance à Ariel Sharon et à son cabinet ? Après tout, quelles que soient les erreurs commises par un homme dans le passé, une porte reste toujours ouverte pour le pardon et le retour à plus d’humanité. Le retrait annoncé de la bande de Gaza offre au dirigeant israélien une occasion en or pour démontrer qu’Israël est prêt désormais à faire d’importantes concessions.
 
 
Le fait que des colons juifs s’apprêtent à opposer à leur exclusion une résistance farouche permettra aussi à Sharon de mettre en avant son image d’homme modéré, de démocrate épris de justice malgré le fanatisme religieux qui sévit autour de lui, tant du côté palestinien que du côté israélien. Ce retrait conduira en outre à criminaliser aux yeux de l’opinion publique tout acte de résistance palestinien indépendamment de ses motivations précises.
 
Nul doute que la presse et les médias focaliseront leur attention sur l’événement, en insistant particulièrement sur l’espoir qu’est censée représenter cette nouvelle démarche. La tragédie palestinienne a trop duré. Chacun en éprouve une lassitude et veut trouver une solution. La voici tombée du ciel grâce à la sagesse du père de la nation.
 
De nos jours d’ailleurs, il n’est pas si difficile de rendre fréquentables des chefs d’Etat qui se sont engagés dans l’illégalité par des actions militaires entraînant la mort d’hommes, de femmes et d’enfants. L’Iraq souffre. A qui la faute ? La Tchétchénie saigne. Qui se soucie de ses blessures ? La Palestine est gorgée du sang de ses martyrs. Qui donc poursuivra les assassins ? Bush, Blair, Poutine et Sharon soutiennent tous à l’unisson la « guerre contre le terrorisme ». Mais qui sont les guerriers et qui sont les terroristes ? Lorsqu’une ingérence illégitime est menée par un Etat, on parle de guerre, et ceux qui tuent, qui bombardent des villes et terrorisent leurs habitants ne sont que de courageux soldats, accueillis en héros. Il n’en ira pas de même de ceux qui s’organisent en réseaux pour perpétrer dans les capitales européennes des crimes tout aussi odieux, mais à une moindre échelle. Ceux-là seuls sont considérés comme de dangereux terroristes.
 
Les médias sont là pour faire la différence entre les bons et les méchants : il en va du « journalistiquement correct » comme du « politiquement  correct ». Nous cherchons des justifications à des actes de guerre iniques en diabolisant les autres. Nous excusons le bon Poutine et nous croyons discerner sur les traits du visage de Sharon des marques de bonhomie. Nous fermons les yeux sur le caractère excessif des déclarations de Bush. Nous avons en effet besoin de donner de la crédibilité aux situations les plus fausses. Sinon, il serait particulièrement douloureux pour nous de voir la vérité en face : par le seul fait d’être élus et portés au pouvoir, des démocraties en viennent aujourd’hui à rendre des menteurs ou des assassins parfaitement respectables !
 
D’aucuns jugeront le propos outrancier : qu’ils considèrent seulement avec courage ce que représente actuellement la souffrance des Palestiniens : malnutrition, humiliation, construction du mur, torture, démolition et prison ! Il ne se passe pas une semaine sans que les chaînes de télévisions arabes ne présentent des situations dramatiques : maisons détruites, assassinats, femmes palestiniennes pleurant leurs enfants morts. Mais ces images ne passent plus, ou très rarement, sur les écrans occidentaux.
 
En réalité, Sharon ne s’est pas assagi le moins du monde. Pareil à lui-même, ce stratège se sert des effets médiatiques et cache la vérité : la colonisation se poursuit. Jamais la politique d’expansion n’a été abandonnée. On apprend ce début du mois d’août, selon la presse canadienne que « le ministère israélien du Logement autorise la construction de 72 maisons nouvelles dans une colonie de Cisjordanie située près de Jérusalem. Cette décision devrait provoquer une vive réaction à Washington opposée à toute extension des colonies juives de peuplement en Cisjordanie parce qu'elle viole les principes de la "feuille de route" voulue par le président américain George W. Bush. Kobi Bleich, le porte-parole du ministère israélien du Logement, a précisé qu'il y a eu un consensus au sein du cabinet israélien sur la construction de ces nouvelles maisons dans la colonie de Betar Illit, située dans les faubourgs de Jérusalem. Il a ajouté qu'il n'était pas autorisé à commenter la question de l'opposition américaine à cette extension. Depuis le début de l'année, le gouvernement a autorisé la construction de 235 maisons nouvelles dans les colonies juives de peuplement de Cisjordanie, la plupart dans le secteur de Jérusalem, a précisé Bleich. » (source : 4 août 2005, http://www.cp.org/french/hp.htm)
 
Il est certes bon de montrer à son voisin que l’on est déterminé à évacuer le sous-sol encombré de sa maison. Mais cela n’a pas de sens si l’on s’installe à l’étage. Décidément non. On ne peut pas faire confiance à Sharon.
 
 
Hani Ramadan
Directeur du Centre Islamique de Genève
Tribune de Genève, L’invité, 11 août 2005

Publié dans USA-ISRAËL

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