Vladimir Poutine a rendu leur fierté aux Russes

Publié le par Adriana Evangelizt

Vladimir Poutine a rendu leur fierté aux Russes

par Benjamin Quenelle

Que l’on ne s’y trompe pas : en Russie, Vladimir Poutine est un homme très populaire. De quoi étonner ceux qui suivent depuis l’étranger l’évolution politique voire les dérives autoritaires du maître du Kremlin. A Moscou, les jeux sont faits : le parti du président va remporter sans discussion les élections législatives de dimanche prochain.

Les Russes, une grande majorité d’entre eux en tout cas, aiment Vladimir Poutine. Ils n’envisagent pas de se passer de cette figure qui a restauré la stabilité et la prospérité dans le pays, et rendu sa fierté au peuple.

Pourquoi Vladimir Poutine a ravi le cœur d’une majorité des Russes

ProspéritÉ, stabilité et fierté retrouvée :les Russes n’imaginent pas d’être abandonnés par l’auteur de ce miracle national.

De Moscou à Vladivostok, Vladimir Poutine est omniprésent. Sur les affiches électorales, à la veille des législatives de dimanche que le parti du Kremlin est garanti de remporter largement. Et surtout dans les cœurs des électeurs après plus de sept années d’une présidence critiquée dans les capitales occidentales mais admirée par une majorité des Russes. « L’essentiel, au lendemain du vote, c’est que se poursuive l’œuvre de Poutine ! », lance ainsi cet ouvrier rencontré en Oural, dans le centre du pays.

Hasard ou non, son expression reprend presque mot pour mot le slogan du président, aujourd’hui en campagne électorale. Le chef du Kremlin espère hisser le score de Russie unie, le parti au pouvoir dont il est la tête de liste aux législatives, de 50 % à… 70 %, sa cote de popularité personnelle. Une écrasante majorité qui, selon ses propres mots, lui donnerait alors « le droit moral » de conserver un rôle influent pour « prolonger le cours de notre politique » après la présidentielle de mars prochain.

« Pourvu qu’il reste au pouvoir… », entend-on du coup partout en Russie. « Poutine a reconstruit le pays, remis de l’ordre politique et relancé l’économie. Il est le garant de cette reconstruction », insiste le directeur d’une petite entreprise d’Oural qui, comme d’autres régions, a surtout profité depuis l’arrivée de Poutine des heureux effets de la hausse du cours du pétrole sur l’ensemble d’une économie encore très dépendante des revenus du gaz et du pétrole. « La Russie est peut-être devenue moins démocratique à vos yeux. Mais elle est plus stable et efficace. Grâce à la verticale du pouvoir que le président a créée. S’il pouvait rester au pouvoir… », s’enthousiasme lui aussi le maire d’une des petites cités industrielles périphériques de Tcheliabinsk, la capitale de l’Oural.

Virant parfois au culte de la personnalité, cette ferveur poutinienne bien réelle est souvent mal comprise par les étrangers qui tendent à plaquer leurs critères occidentaux sur la réalité russe. « D’où une incompréhension réciproque ! », témoigne cette jeune mère de famille francophone à Moscou. « Je me rends souvent à Bruxelles et à Paris où je vois bien que les clichés anti-russes demeurent forts. Vos critiques sont ridicules, loin de notre vie ! Je lis votre presse qui adore Kasparov (l’ex-champion d’échecs devenu l’un des leaders de l’opposition russe, NDLR) et déteste Poutine… Mais Kasparov ne représente rien ici. Poutine, même si je ne l’apprécie pas personnellement, a redonné vie au pays. »

C’est aussi une question de personnalité et d’image. « L’Ouest n’aime pas Poutine. Mais la Russie a beaucoup changé grâce à lui, à son style », ajoute cet homme d’affaires moscovite qui voyage également souvent en Europe pour son entreprise. « Cela ne nous pose pas problème que notre président soit un ancien espion, un ex du KGB. Au contraire ! C’est un homme de confiance. Le seul reproche qu’on peut lui faire, c’est d’avoir laissé la corruption créer de nouveaux oligarques parmi les bureaucrates. Mais, toutes les réprimandes occidentales sur l’autoritarisme de Poutine ne nous touchent pas. »

Cette incompréhension entre la Russie et l’Ouest s’explique aussi par un regard et un recul différents sur l’histoire. Régulièrement, Poutine et la majorité des Russes répondent aux critiques en rappelant que leur démocratie fête à peine ses vingt ans et « a besoin de temps comme la France après sa révolution de… 1789 ». La population compare en fait la situation présente non aux démocraties occidentales, mais à ce qu’elle a vécu avant : l’URSS puis les difficiles années de sortie du communisme sous Gorbatchev et Eltsine. « Aujourd’hui, nous vivons très loin de la dictature soviétique. Nous avons davantage de libertés : nous pouvons voyager, surfer sur internet, choisir notre travail, notre voiture, notre appartement, nos projets… et nos films ! Les mentalités sont devenues capitalistes et un retour à l’URSS est impossible. Mais sans la stabilité économique et politique de Poutine, nous ne pourrions pas profiter de ces libertés », assure un ingénieur rencontré à Komsomolsk-sur-Amour, grande cité industrielle près de la frontière avec la Chine, à 8.000 kilomètres de Moscou.

C’est surtout par rapport à Eltsine que la majorité des Russes jugent l’actuel chef du Kremlin. « Souvenez-vous de ces folles années libérales… et de l’état dans lequel Poutine a reçu le pays en 2000. Depuis, il nous a sortis du désastre ! », s’exclame un autre habitant de Komsomolsk-sur-Amour. « Bien sûr, aujourd’hui, l’inflation augmente et le gouvernement est impuissant. Et l’écart entre riches et pauvres s’accroît », poursuit-il. « Mais je touche mon salaire et mes parents leurs retraites sans retard. Les magasins regorgent de produits. C’est l’essentiel. »

Un bien-être matériel doublé d’un sentiment de confiance nationale retrouvé grâce à la personnalité du président. « Eltsine buvait et nous faisait honte ! », se souvient cet informaticien moscovite. « Poutine n’est pas alcoolo… Il présente bien, parle d’autres langues. Il se fait respecter à l’étranger et a rétabli le statut international de la Russie. C’est très important pour notre orgueil ! »

Ainsi, en tournant l’épuisante page des chaotiques années 1990, Poutine a redonné assurance et espoir : l’image que les Russes ont d’eux-mêmes a changé car le pays semble à l’abri des crises et le président, contrairement à son prédécesseur, paraît bel et bien aux commandes. Son discours musclé vis-à-vis de l’Ouest est d’autant mieux accueilli que la population navigue entre fascination pour le modèle américain et nostalgie pour la superpuissance soviétique. Coïncidence ou non, Poutine multiplie d’ailleurs les tirades anti-occidentales, s’en prenant notamment aux opposants « chacals » à la recherche de financements étrangers : « Ceux qui s’opposent à nous, il leur faut une Russie faible, malade, une société désorientée, divisée. » Quelques mots pour rappeler l’image que les Russes ont de leur pays avant Poutine. Et pour gagner des pourcentages supplémentaires au soir du vote de dimanche.

Ce « retour au calme », expression parfois entendue pour décrire la stabilité poutinienne, a pris des allures de retour au « système russe ». Un mode de fonctionnement paternaliste bâti autour du « bon tzar » à qui, quel que soit son titre modifié au fil des siècles, la population accorde sa confiance.

La notion même de liberté y est perçue différemment : l’État puissant est là pour encadrer et, contrairement aux années Eltsine, limiter les excès de la liberté. « Aujourd’hui, on peut dire tout ce qu’on veut. Mais d’une manière plus civilisée que dans les années 90 », résume ainsi une étudiante russe en sciences politiques à Moscou. « L’État a raison de contrôler la liberté. Pour éviter le chaos et garantir la stabilité. C’est sa mission… »

Paradoxalement, si elle joue sur la nostalgie soviétique et sur ce mythe du « bon tzar », la Russie de Poutine a aussi mis en place un système qui a les apparences d’un système libéral et démocratique. « Pourquoi dites-vous que nous avons moins de liberté qu’avant ? », s’étonne un autre étudiant de cet institut d’études politiques. « Regardez la campagne électorale. Il y a onze partis en lice. Il y a des débats à la télévision. Les journaux en parlent. Les députés s’opposent à la Douma… C’est la démocratie ! » Une réaction largement partagée face aux critiques occidentales sur l’autoritarisme de Poutine.

La majorité des Russes ne voit en fait pas les entraves : le système politique et médiatique orchestré par le Kremlin a réussi à créer une illusion démocratique. Afin de garantir (et de contrôler) le multipartisme, un parti d’opposition a par exemple été lancé un an avant les élections… par le Kremlin. Mais, comme l’a lui même reconnu Boris Grizlov, proche de Poutine, président de la Douma et chef du parti du Kremlin, « la Douma n’est pas un endroit pour la discussion ». Afin d’assurer (et de surveiller) les débats dans les médias, certaines niches libérales telles des radios ou des journaux au ton critique, ont été maintenues et les télévisions publiques invitent des hommes politiques à s’affronter. Mais la plupart des leaders de l’opposition n’y sont jamais reçus et les niches libérales atteignent un public très limité.

Aujourd’hui, en fin de campagne électorale, cette fiction politico-médiatique tourne à plein. Les principales chaînes de télévision, toutes passées sous le contrôle du Kremlin, diffusent le soir les clips des partis autorisés à se présenter et organisent des débats entre leurs représentants. Mais, tout comme les rues de Moscou sont couvertes d’affiches pour Poutine et son parti, les journaux télévisés du soir, principales sources d’information, montrent avant tout… le président, ses discours, ses visites, ses voyages, ses entretiens, son image d’homme fort et responsable.

Une omniprésence qui garantit un peu plus encore la victoire du président aux législatives de dimanche. Et qui, depuis longtemps et peut-être pour longtemps, entretient la popularité de Poutine à un niveau record.

Sources Le soir be

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans Poutine Bush

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