DAVANTAGE DE CENSURE

Publié le par Adriana Evangelizt

Davantage de dissensions, davantage de censure



Dahr Jamail
26 Septembre 2005

Un quart de million de personnes ont parcouru les rues de la capitale le week-end dernier, alors que M. Bush avait trouvé bon de rendre visite au QG du Commandement Nord de l'armée américaine, à Colorado Springs.

Au moment où il posait pour les photographes dans le Colorado et que des vétérans de l'actuelle débâcle en Irak et des dizaines de familles de militaires qui s'opposent à la junte de Bush ralliaient la multitude des protestataires à Washington, DC pour exprimer leur désaccord, d'autres événements se produisaient en Irak.

Un entrepreneur dont je sais qu'il travaille en Irak m'a écrit dernièrement. Il me transmet des mises à jour régulières à
propos de sa vie au sein de la base où il travaille en soutien de l'armée. Voici ce qu'il m'a écrit la dernière fois :

« Un autre convoi a été lourdement touché : trois chauffeurs ont été tués et de nombreux autres blessés. Je ne sais toujours pas s'il s'agit d'amis à moi. Ils n'aiment pas de faire trop de pub ici sur ce genre de choses parce que cela provoque le remplissage des avions qui s'en vont. Le seul problème, ici, c'est qu'il y a encore plus de chargements aéroportés qui attendent à Houston [pour venir ici]. Ils attendent naïvement leur chance, agglutinés près de la sonnerie en cuivre terni. [Mes amis et moi] sommes d'accord pour dire que la politique pétrolière de nos pays nous a menés en plein sur le chemin de l'Apocalypse. »

Au moins 1917 soldats américains ont perdu la vie en Irak, à l'heure qu'il est, 16 pour la seule semaine écoulée. Plus de 10 fois ce chiffre ont été blessés pour la vie, tant physiquement que psychologiquement.

Il ne faut donc pas s'étonner que tant de personnes aient défilé dans la capitale ce week-end, ni que nombre d'entre elles aient été des vétérans et des familles de militaires qui en ont tout simplement assez de cette situation. Les gens avec qui j'ai parlé lors de la manifestation exprimaient des sentiments de colère et d'impatience à l'égard de cette prétendue administration.

Il ne faut donc pas s'étonner non plus d'avoir aperçu, lors de la manif, un petit écriteau portant le dessin d'un bretzel et, comme légende : « Donnez une nouvelle chance au bretzel ! »

Les récentes informations de quelques braves soldats de la 82 Aéroportée parlant (sous l'anonymat, dans un rapport de Human Rights Watch) de la façon dont ils « évacuaient leurs frustrations, de 2003 à 2004, en torturant systématiquement des détenus irakiens, les frappant avec des battes de base-ball et les aspergeant de produits chimiques » peuvent avoir heurté certaines personnes ici, aux Etats-Unis. Toutefois, ce n'est naturellement pas une nouvelle pour les militaires en Irak, ni pour les Irakiens non plus, en ce qui concerne ce problème.

Un soldat qui, actuellement, travaille en Irak comme médecin, m'a écrit il y a quelques jours :

« J'organise un appel aux malades parmi les détenus. Ici, je dois vous dire que j'ai l'impression qu'on se sert de robots, pour garder les prisonniers. Je leur ai parlé deux ou trois fois et ils m'ont sorti des commentaires du genre 'S'ils sont en prison, c'est sans doute qu'ils sont mauvais.'. A plusieurs reprises, je leur ai fait remarquer que : 1) ils pourraient très bien être innocents et 2) ce sont toujours des êtres humains. Les gardiens semblaient réellement l'admettre. Mais c'est presque la même chose que lorsque tous savent que l'empereur est tout nu, mais qu'ils essaient de se raccrocher à l'idée qu'il porte de nouveaux vêtements. Lorsque quelqu'un fait remarquer qu'il peut très bien être à poil, cela leur donne aussi la possibilité d'acquiescer. Le véritable travestissement, je pense, a lieu chez les gens en Amérique. Puisqu'ils ne sont pas en contact avec les Irakiens, tout ce qu'ils voient dans les infos, c'est que nous tuons les mauvais et ils ne voient pas les camps de réfugiés ni la façon dont nous transformons des villes en ruines. (Les dégâts collatéraux, voilà qui a l'air d'une belle expression, parce que ce ne sont pas leurs maisons qu'on détruit. Ni les fils et filles de leurs amis qu'on tue.) Ils ne voient pas l'insouciance avec laquelle la plupart des militaires détruisent la propriété d'autrui. Tout ce qu'ils voient, c'est ce qu'on leur raconte et, si l'affaire n'est pas estampillée du sceau d'une chaîne d'information habituelle, elle manque de légitimité à leurs yeux et elle est larguée du coté des 'points de vue extrémistes'. »

L'avis de mon ami sur la désinformation du peuple américain par les médias traditionnels quand à l'horrible réalité en Irak vaut également pour d'autres pays. Les pressions de l'administration Bush sur les médias ne se limitent pas au seul territoire des Etats-Unis.

Dans un précédent weblog

http://dahrjamailiraq.com/weblog/archives/dispatches/000256.php>,

 j'écrivais sur la façon dont un journal turc avait subi des pressions de l'ambassade des Etats-Unis afin de publier moins d'informations sur l'Irak émanant de journalistes comme moi, ou encore Robert Fisk et Naomi Klein.

Hier soir, ici, à [Washington,] DC, je discutais avec Stelios Kouloglou, un journaliste travaillant à la Hellenic Broadcasting Corporation en Grèce. Son émission, sur la chaîne de télévision publique, a remporté plusieurs récompenses pour son journalisme d'investigation et il reste extrêmement populaire dans son pays.

Pour le premier anniversaire de la chute de Bagdad, il y a un an, en avril 2004, sa chaîne a montré un documentaire qu'il avait produit et intitulé « 25 mensonges pour vendre la guerre », un titre qui se passe d'explication pour toute personne qui ne s'enferme pas dans la négation obstinée.

« Une fuite m'a permis d'apprendre que l'ambassade des Etats-Unis exerçait des pressions politiques sur notre gouvernement afin que celui-ci exerce à son tour des pressions sur ma chaîne de télévision parce qu'elle présentait mon documentaire », me raconta-t-il à son hôtel.

« Il est apparu de façon évidente, après vos élections en 2004, lorsque Bush est resté en poste, que son administration était devenue beaucoup plus agressive », poursuivit-il. « L'ambassade des Etats-Unis a commencé par demander qu'on interrompe l'émission. Ils ont demandé cela non pas au responsable de notre émission, mais directement à notre gouvernement ! Leurs protestations prenaient ainsi un caractère beaucoup plus officiel et ils n'ont même pas essayé de dissimuler la chose. »

Cela fait 25 ans qu'il est journaliste, il a couvert la guerre en Yougoslavie et a travaillé à Moscou à l'époque de la perestroïka. Ce genre de pression politique ouverte constituait une première, pour lui.

« Jamais je n'ai subi de pressions politiques comme celle-ci, pas même en Russie lorsque je me montrais critique à l'égard de Gorbatchev, ni en Yougoslavie lorsque j'étais extrêmement critique à l'égard de Milosevic », ajouta-t-il.

Plus récemment et un peu plus près de chez nous, ici, aux Etats-Unis, Doug Ireland écrivait :

« Le très renommé correspondant international de l'Independent - le grand journaliste [et citoyen] britannique, Robert Fisk - s'est vu refuser l'accès au territoire américain. Cela fait des dizaines d'années que Fisk couvre des zones de conflit mais il est connu avant tout pour ses reportages incisifs au Moyen-Orient et ce, depuis plus de 20 ans. Sa couverture critique de l'invasion anglo-américaine en Irak et de l'occupation toujours en cours qui a suivi a dénoncé à maintes reprises les campagnes de désinformation des gouvernements américain et britannique. Il a également dénoncé la façon dont la grosse masse des rapports de presse émanant de l'Irak n'est constituée que de 'journalisme d'hôtel' - une expression inventée par Fisk en personne. »

Il poursuit :

« Le quotidien New Mexican rapporte que 'mardi [20 septembre], les fonctionnaires de l'immigration américaine ont refusé à Robert Fisk, depuis très longtemps correspondant au Moyen-Orient du journal londonien The Independent, de monter à bord d'un avion allant de Toronto à Denver. Fisk se rendait à Santa Fe pour une apparition prévue de longue date - plus une seule place libre - dans la série des conférences et débats de la Fondation Lannan, ce mercredi soir. Selon Christie Mazuera Davis, une responsable du programme de la Lannan, Fisk a été informé de ce que ses papiers n'étaient pas en ordre. Davis a pris des arrangements de dernière minute, mercredi, pour qu'Amy Goodman, l'invitée du programme quotidien d'informations de Pacifica Radios, 'Democracy Now !', interviewe Fisk par satellite à partir d'une station de télévision de Toronto. (.) Un enregistrement de cette interview par satellite sera bientôt disponible sur le website de la Lannan Foundation. »

Comme nous nous préparions à quitter son hôtel hier soir, mon collègue Stelios Kouloglou me proposa, en plaisantant à demi : « Vous pouvez venir visiter la Grèce quand vous voulez, que ce soit pour des vacances ou pour y demander l'asile politique. »

Je ne ris qu'à moitié et lui serrai la main.

Traduit par J-M. Flémal pour Stop USA

Dahr Jamail26 Septembre 2005Un quart de million de personnes ont parcouru les rues de la capitale le week-end dernier, alors que M. Bush avait trouvé bon de rendre visite au QG du Commandement Nord de l'armée américaine, à Colorado Springs.Au moment où il posait pour les photographes dans le Colorado et que des vétérans de l'actuelle débâcle en Irak et des dizaines de familles de militaires qui s'opposent à la junte de Bush ralliaient la multitude des protestataires à Washington, DC pour exprimer leur désaccord, d'autres événements se produisaient en Irak.Un entrepreneur dont je sais qu'il travaille en Irak m'a écrit dernièrement. Il me transmet des mises à jour régulières à propos de sa vie au sein de la base où il travaille en soutien de l'armée. Voici ce qu'il m'a écrit la dernière fois : « Un autre convoi a été lourdement touché : trois chauffeurs ont été tués et de nombreux autres blessés. Je ne sais toujours pas s'il s'agit d'amis à moi. Ils n'aiment pas de faire trop de pub ici sur ce genre de choses parce que cela provoque le remplissage des avions qui s'en vont. Le seul problème, ici, c'est qu'il y a encore plus de chargements aéroportés qui attendent à Houston [pour venir ici]. Ils attendent naïvement leur chance, agglutinés près de la sonnerie en cuivre terni. [Mes amis et moi] sommes d'accord pour dire que la politique pétrolière de nos pays nous a menés en plein sur le chemin de l'Apocalypse. » Au moins 1917 soldats américains ont perdu la vie en Irak, à l'heure qu'il est, 16 pour la seule semaine écoulée. Plus de 10 fois ce chiffre ont été blessés pour la vie, tant physiquement que psychologiquement. Il ne faut donc pas s'étonner que tant de personnes aient défilé dans la capitale ce week-end, ni que nombre d'entre elles aient été des vétérans et des familles de militaires qui en ont tout simplement assez de cette situation. Les gens avec qui j'ai parlé lors de la manifestation exprimaient des sentiments de colère et d'impatience à l'égard de cette prétendue administration.Il ne faut donc pas s'étonner non plus d'avoir aperçu, lors de la manif, un petit écriteau portant le dessin d'un bretzel et, comme légende : « Donnez une nouvelle chance au bretzel ! »Les récentes informations de quelques braves soldats de la 82 Aéroportée parlant (sous l'anonymat, dans un rapport de Human Rights Watch) de la façon dont ils « évacuaient leurs frustrations, de 2003 à 2004, en torturant systématiquement des détenus irakiens, les frappant avec des battes de base-ball et les aspergeant de produits chimiques » peuvent avoir heurté certaines personnes ici, aux Etats-Unis. Toutefois, ce n'est naturellement pas une nouvelle pour les militaires en Irak, ni pour les Irakiens non plus, en ce qui concerne ce problème. Un soldat qui, actuellement, travaille en Irak comme médecin, m'a écrit il y a quelques jours :« J'organise un appel aux malades parmi les détenus. Ici, je dois vous dire que j'ai l'impression qu'on se sert de robots, pour garder les prisonniers. Je leur ai parlé deux ou trois fois et ils m'ont sorti des commentaires du genre 'S'ils sont en prison, c'est sans doute qu'ils sont mauvais.'. A plusieurs reprises, je leur ai fait remarquer que : 1) ils pourraient très bien être innocents et 2) ce sont toujours des êtres humains. Les gardiens semblaient réellement l'admettre. Mais c'est presque la même chose que lorsque tous savent que l'empereur est tout nu, mais qu'ils essaient de se raccrocher à l'idée qu'il porte de nouveaux vêtements. Lorsque quelqu'un fait remarquer qu'il peut très bien être à poil, cela leur donne aussi la possibilité d'acquiescer. Le véritable travestissement, je pense, a lieu chez les gens en Amérique. Puisqu'ils ne sont pas en contact avec les Irakiens, tout ce qu'ils voient dans les infos, c'est que nous tuons les mauvais et ils ne voient pas les camps de réfugiés ni la façon dont nous transformons des villes en ruines. (Les dégâts collatéraux, voilà qui a l'air d'une belle expression, parce que ce ne sont pas leurs maisons qu'on détruit. Ni les fils et filles de leurs amis qu'on tue.) Ils ne voient pas l'insouciance avec laquelle la plupart des militaires détruisent la propriété d'autrui. Tout ce qu'ils voient, c'est ce qu'on leur raconte et, si l'affaire n'est pas estampillée du sceau d'une chaîne d'information habituelle, elle manque de légitimité à leurs yeux et elle est larguée du coté des 'points de vue extrémistes'. » L'avis de mon ami sur la désinformation du peuple américain par les médias traditionnels quand à l'horrible réalité en Irak vaut également pour d'autres pays. Les pressions de l'administration Bush sur les médias ne se limitent pas au seul territoire des Etats-Unis.Dans un précédent weblog <

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Sources : STOP USA

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans IRAK

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