USA ISRAEL IRAN EN IRAK

Publié le par Adriana Evangelizt

Le jeu de l’Iran en Irak

par Ali Ben Samir


Chaque jour qui passe apporte en Irak son lot de victimes, dont le nombre ne cesse d’augmenter et qui sont essentiellement des civils qui tombent dans des attentats à la voiture piégée et des fusillades qui, sous couvert de résistance et de lutte contre les forces d’occupation, participent, en fait, à plonger le pays dans le chaos, la division et la guerre civile.

Face à cette escalade de la violence, George Bush n’en démord pas. Pour lui,il ne pourrait être question d’un allégement, encore moins d’un retrait de l’armée américaine avant qu’elle n’ait atteint les objectifs qu’il lui a fixés quand il a décidé d’en finir avec le régime de Saddam Hussein. Cet entêtement obsessionnel ignore la réalité sur le terrain, les implications de la guerre sur les plans politique et économique et au niveau de l’image des Etats-Unis dans le monde et particulièrement parmi les peuples arabes et musulmans, qui n’a jamais été aussi négative et qui va mettre, sans aucun doute de longues années pour s’améliorer. Il ne tient pas compte non plus de l’évolution de l’opinion publique américaine qui ne ménage plus ses critiques à l’égard de la politique de guerre suivie en Irak. Les effets des cyclones qui ont ravagé la Louisiane et le Texas, dus en partie à l’incurie des services fédéraux, ont compliqué la tâche du président américain pour convaincre son opinion publique du bien-fondé de sa politique. La plupart des observateurs ne voient pas, du moins pour le moment, d’issue à la situation à moins que Georges Bush ne se décide à infléchir ses choix vers une approche plus réaliste et qui tienne compte des positions de l’écrasante majorité des pays du monde. Pour l’heure, ses déclarations ne laissent pas présager une telle évolution.

En Irak, la guerre se poursuit, faisant surtout des victimes civiles, ce qui pose des questions sur les objectifs de ceux qui mènent ces opérations et de leurs commanditaires irakiens et étrangers. Sur le plan politique, et en dépit de la poursuite des violences et de l’état de chaos dans lequel s’enfonce le pays, certains objectifs ont été atteints. Le prix en a été élevé mais les occulter ne pourrait conduire qu’à une évaluation partielle de la situation et de ses perspectives d’évolution. Il y a eu, d’abord les élections qui se sont déroulées dans des conditions difficiles, mais qui ont néanmoins donné naissance à un parlement dont la légitimité a été reconnue même par ceux qui la lui déniaient, et à un gouvernement qui, même s’il ne parvient pas à maîtriser la situation, notamment sur le plan sécuritaire, existe bel et bien et entretient des relations avec la plupart des pays, arabes et étrangers. Il y a eu également la rédaction du projet de Constitution, fruit de longues tractations et d’évidents compromis et qui a surpris ceux,et ils étaient nombreux, qui doutaient de la capacité de ses promoteurs à aboutir.

Aprés le vote de ce projet par les Irakiens, un pas significatif aura été franchi. Ce qui ne veut nullement dire que la solution sera à portée de la main; rien n’est moins sûr car les problèmes de l’Irak sont nombreux et complexes et il se pourrait même que l’adoption de la Constitution, puisse devenir un facteur qui contribuera à l’escalade et à la naissance de nouvelles causes de crise. On pourrait penser, tant la situation actuelle est complexe, que même un retrait américain sans l’existence d’un pouvoir irakien qui assume toutes ses prérogatives, ne pourrait résoudre qu’une partie des problèmes du pays.

Pour la plupart des observateurs, la diversité ethnique, idéologique et culturelle des composantes du peuple irakien, leurs ambitions politiques et à l’autonomie, voire à l’indépendance, rendent difficile une solution qui ne tiendrait pas compte, de façon effective, de tous ces intérêts contradictoires mais que l’on ne peut pourtant pas ignorer. L’Irak de l’avenir ne pourra pas se faire en ignorant les aspirations et les droits des Chiites, des Sunnites, des Kurdes et des autres éléments qui constituent le pays. Bien évidemment, cette évolution ne pourra se faire qu’à deux conditions: la fin de l’occupation étrangère et l’émergence d’un gouvernement fort et représentatif capable de conduire à une solution qui soit acceptée par la majorité des Irakiens. Sans cela, aucune solution, même si elle est portée par la force militaire, ne sera viable et capable de durer.

Autre élément qui complique la situation en Irak et contribue à rendre difficile la recherche d’une solution à ses problèmes; les intérêts et le jeu de certains pays (les Etats-Unis, Israël et l’Iran). Pour le premier d’entre eux, les objectifs sont clairs. Bush ne les a jamais cachés bien qu’il ait toujours omis de parler des enjeux du pétrole.

Israël a tout intérêt à ce que la situation se prolonge jusqu’à aboutir à l’éclatement du pays et son morcellement en Etats antagonistes. D’ailleurs, les guerres du Golfe—la première contre l’Iran et celle qui a suivi l’invasion du Kouveït—ont été une véritable aubaine pour Israël dans la mesure où elles ont détourné la puissance militaire et économique de l’Irak de son objectif essentiel, Israël, et l’ont dilapidée dans de folles aventures de conquête dont on mesure aujourd’hui les conséquences catastrophiques pour le peuple irakien et pour le Monde arabe.

Tel Aviv ne manquera aucune occasion pour aider à l’escalade et
monter des “coups” pour attiser les luttes entre les diverses communautés et il convient de souligner que les autorités de Basra ont accusé les deux soldats britanniques qu’elles ont arrêtés et dont la libération par l’armée britannique a été à l’origine de la détérioration de la situation dans une région, pourtant relativement calme, d’être des agents du Mossad chargés d’organiser des attentats contre les Chiites, qui auraient été par la suite, imputés aux Sunnites... Sans exagérer le rôle d’Israël, il ne faudrait pas pour autant le minimiser, surtout que l’on connaît les “traditions” de l’Etat sioniste dans ce domaine.

Enfin, le troisième pays impliqué en Irak est l’Iran. Pour des raisons historiques, idéologiques et stratégiques, Téhéran a toujours cru qu’il avait un rôle essentiel à jouer dans la région, notamment par l’affaiblissement de ses adversaires dans cette ambition: l’Irak et dans une moindre mesure, l’Arabie Saoudite.

Ces prétentions étaient, bien que sous une forme différente, l’un des axes importants de la politique du Shah qui concevait l’augmentation des capacités économiques et militaires (ne rêvait-il pas de posséder la quatrième armée du monde?) de son pays comme un moyen par lequel il établirait son hégémonie sur cette région vitale du point de vue économique et stratégique. La Révolution islamique renforça ces ambitions en leur conférant un caractère et une mission idéologique et messianique. Il s’agit d’exporter la Révolution afin d’imposer des régimes conformes à l’Islam, en fait inféodés à Téhéran. Pour cela, les mollahs au pouvoir devaient se faire passer pour les défenseurs de ces causes, notamment en ce qui concerne la Palestine. Sur un plan, cette stratégie s’appuyait sur l’infiltration de ces pays par le biais de groupes islamistes qui trouvaient chez les Services iraniens l’assistance et le soutien nécessaires. Les résultats les plus éclatants de cette action ont eu lieu au Liban où le Hezbollah, dont les liens avec l’Iran ne sont un secret pour personne, est devenu, grâce aussi à la complicité de la Syrie, un élément incontournable de la vie politique du pays.

La guerre contre l’Irak n’a pas atténué cet esprit; bien au contraire, et les dirigeants iraniens étaient convaincus que le régime de Saddam, malgré les lourdes pertes qu’il leur a infligées, était condamné à terme. Même sous les mandats de Mohamed Khatemi, les services, qui lui échappaient complètement, sont restés aussi actifs par leur travail de recrutement, d’infiltration et d’action idéologique partout dans le Monde arabe et plus particulièrement dans les Territoires occupés et dans les pays du Golfe.

Actuellement, l’Iran joue un rôle déterminant en Irak et surtout dans les régions à dominante chiite. Les objectifs sont de contribuer à l’émergence d’un pouvoir chiite proche de Téhéran et à accroître la main mise idéologique—la présence de majorités chiites dans la plupart des pays du Golfe joue en sa faveur—puis politique de la République islamique sur la région.

Les Iraniens ne manquent pas d’atouts, ils profitent de l’état de chaos qui prévaut dans le pays pour infiltrer leurs agents qui n’ont aucune difficulté à évoluer dans un milieu qui ne leur est pas étranger, faire parvenir à leurs sympathisants les moyens qui leur sont nécessaires. Sur un autre plan, ils ont un allié qu’ils ont contribué à former et qui dispose de milices armées et bien entraînées; il s’agit de Moktada Sadr qui a, rappelons - le, dévoilé ses ambitions et surtout ses distances à l’égard de Sistani, après un séjour à Téhéran, à l’occasion de l’anniversaire de la chute du Shah, au cours duquel il a été reçu par ceux qui ont en charge le dossier irakien et qui l’auraient convaincu qu’il pouvait compter sur eux pour s’affirmer comme le chef de la communauté chiite et l’homme de l’avenir. Son rival, Sistani, qui dispose encore d’une grande audience, a montré certaines velléités d’indépendance; il a été remplacé par un homme plus proche des thèses iraniennes. On connaît l’évolution des positions de Moktada Sadr.

L’arrivée au pouvoir de Mohamad Najad ne peut que renforcer cette tendance de Téhéran à jouer un rôle décisif en Irak et à se poser comme une puissance incontournable dans la région du Golfe, statut qui accroîtra son influence et son rôle dans les pays limitrophes de l’Asie centrale. La présence active iranienne en Irak est devenue si évidente que le prince Saoud El Fayçal, ministre des Affaires étrangères d’Arabie Saoudite, a déclaré dernièrement à New York que la politique des Etats-Unis en Irak approfondit les divisions entre les communautés de ce pays; ce qui revient, d’après lui, à livrer l’Irak à l’Iran. Il a ajouté que les Iraniens se rendent dans les régions contrôlées par les Américains, “transfèrent de l’argent, installent leurs hommes et créent même des forces de police et arment des milices”.

Les déclarations de Saoud El Fayçal sont significatives de la réalité de la présence iranienne, de la “complaisance” américaine et des dangers que représente une telle présence pour la stabilité de la région.

Une question se pose: comment peut-on expliquer la position américaine vis-à-vis de l’Iran?

D’une part, les Américains semblent tolérer le rôle joué par les Iraniens et même leurs menaces contre ce pays, en ce qui concerne son rôle en Irak, ne sont pas aussi virulentes que celles qu’ils adressent à la Syrie qui a pourtant donné des preuves de sa bonne volonté. D’autre part, les Etats-Unis se montrent intransigeants quant au dossier nucléaire iranien, allant jusqu’à se démarquer de la troïka européenne en exigeant qu’il soit transmis au Conseil de Sécurité alors que la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne ont décidé de surseoir à la saisine du Conseil. Deux positions contradictoires à moins que Bush ne considère que le volet nucléaire de ses relations avec Téhéran est plus important que l’Irak et qu’il ne voit pas d’un mauvais oeil l’éventualité d’une partition de l’Irak, même si l’Iran en sera le principal bénéficiaire.

Dans tous les cas de figure, ce que fait l’Iran en Irak devrait susciter l’intérêt et une position commune de la part des pays arabes. Espérons qu’ils ne se voileront par encore une fois la face...


Sources :
REALITES

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans IRAN

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article