A qui joue l'Iran dans le conflit entre Israël et le Hezbollah ?

Publié le par Adriana Evangelizt

Un article intéressant à l'heure où l'on diabolise l'Iran et qui prouve bien que le Hezbollah n'a besoin de personne sur le terrain pour faire ce qu'il a envie...

A quoi joue l'Iran dans le conflit entre Israël et le Hezbollah?

par Delphine Minoui

MOYEN-ORIENT. Téhéran soutient le mouvement chiite, mais celui-ci est aujourd'hui suffisamment organisé pour ne pas attendre un quelconque feu vert de ses mentors pour agir à sa guise.
Dans la foule de femmes en tchadors et de barbus aux keffiehs noir et blanc, des portraits de Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah, flottent au vent. «Le temps est venu de réagir! Missiles contre missiles!», hurlent, en persan, les quelques milliers d'Iraniens entassés symboliquement sur la place «Palestine», à l'appel des autorités de Téhéran. Au rythme des cris de «Mort à Israël», éternels refrains des rassemblements officiels, le député conservateur iranien Gholam Ali Haddad Adel monte à la tribune. «Les villes que vous avez bâties au nord de la Palestine (Israël) sont à la portée des courageux enfants libanais! Aucune région d'Israël ne restera tranquille!», lâche-t-il.

A quoi joue donc Téhéran? Les discours et les slogans entendus mardi, en centre-ville, ne font qu'entretenir le doute sur l'ombre de la République islamique sur le conflit qui oppose le Hezbollah à Israël. Les Iraniens, pourtant, nient en bloc les accusations qui pleuvent depuis Washington et Tel-Aviv: la présence de conseillers militaires auprès du Hezbollah, la fourniture d'armes et de missiles au groupe chiite libanais, le possible transfert des soldats israéliens à l'Iran. Impossible néanmoins de ne pas constater cette coïncidence flagrante: l'enlèvement des deux soldats, à l'origine de la crise actuelle, est survenu le 12 juillet, le même jour où les interlocuteurs de Téhéran dans le dossier nucléaire se sont mis d'accord pour saisir à nouveau le Conseil de sécurité.

Sur le terrain, ces accusations sont bien sûr difficiles à prouver. Même si le lien qui unit idéologiquement et historiquement la République islamique aux groupes de résistance palestiniens et libanais à Israël reste indéniable. A Téhéran, d'ailleurs, personne ne s'en cache. Pour preuve: en avril dernier, l'Iran organisa, en grande pompe, une conférence de trois jours, sur le thème du soutien à la Palestine. De nombreuses personnalités répondirent «présentes» à l'appel, parmi lesquelles Khaled Meshaal, le chef du bureau politique du Hamas, basé à Damas, et Naim Khassem, le bras droit de Nasrallah.

Outre le Hezbollah, il existe un mouvement frère de résistance chiite libanais: le Amal. Dans son QG situé dans une ruelle ombragée de Téhéran, la relation affichée entre ce mouvement et l'Iran, frappe, d'entrée, le visiteur. Dans le hall, la photo de Shahid Chamran, un ancien commandant iranien du corps des Pasdaran, y trône aux côtés de celle de Imam Moussa Sadr, l'ancien chef d'Amal. Chamran fut, en 1974, un des cofondateurs du groupe, et vécut près de huit années au Liban. «C'était un frère, mais aussi un leader respectable», se souvient Adel Mohammad Oun, l'actuel représentant du Amal à Téhéran, avec un brin de nostalgie. «On s'est battu côte à côte contre Israël, notre ennemi commun. Ensemble, on arrosait de roquettes le nord d'Israël», raconte-t-il.

Compte tenu de ces liens, l'Iran n'était-il donc pas aux premières loges pour déclencher la crise actuelle? «Non, les temps ont changé, insiste Adel Mohammad Oun. Il est vrai, dit-il, que l'Iran et la Syrie nous ont soutenus pendant des années, mais le Hezbollah et le Amal sont comme des enfants qui sont arrivés à l'âge de maturité. Ils sont devenus autonomes», dit-il. Pour les experts de la région, ses propos ne sont pas dénués de sens. «Je ne pense pas que l'Iran ait demandé au Hezbollah d'appuyer sur le bouton. Bien sûr, sans l'Iran, le Hezbollah n'aurait pas eu la capacité de développer des drones pouvant s'en prendre à des intérêts israéliens. Mais depuis l'arrivée de Nasrallah à la tête du mouvement, en 1992, c'est l'optique nationale qui prime», constate Barah Mikaïl, chercheur à l'IFRI, qui vient d'achever un séjour de dix jours en Iran. «Le Hezbollah n'a pas besoin de l'Iran. Mais il est bien possible que Téhéran cherche à entretenir le doute sur son implication, ne serait-ce que pour faire peur à Israël et Washington», note un diplomate occidental.

Profitant de l'embourbement américain dans la région, l'Iran serait donc prêt à jouer différentes cartes. Voire même à s'imposer comme médiateur. D'où, aux antipodes des discours provocateurs entendus lors de la manifestation d'hier, la proposition, plus modérée, du ministre iranien des Affaires étrangères, Manouchehr Motakki, d'un cessez-le-feu, suivi d'un échange de prisonniers. «L'Iran est incontestablement la puissance orientale actuellement la plus influente. Sa capacité d'action et d'activation de relais est plus étendue que dans les années1980. Elle en est consciente et elle en profite pleinement, quitte à ce que cela puisse lui servir dans son marchandage nucléaire», conclut Barah Mikaïl.

Sources : Le Temps
Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans IRAN

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article