Les mesures anti-liberté font des victimes aux USA

Publié le par Adriana Evangelizt

« Aux États-Unis, les mesures antiliberté font des victimes, des citoyens réagissent »

Par Jim Cohen

Universitaire américain, professeur au département de science politique, Université de Paris-VIII (Saint-Denis)

Depuis le 11 septembre 2001, la « guerre contre le terrorisme » de l’administration Bush, cette entreprise impériale démesurée, est relayée sur le plan interne par un net durcissement des dispositifs de surveillance policière de la population, au nom de la « sécurité territoriale ».

Les lois répressives telles que le « patriot act » représentent un saut qualitatif vers un ordre plus autoritaire. Les droits constitutionnels sont traités avec mépris et il faudra des décennies de lutte politique et judiciaire pour réparer les dégâts. Il serait exagéré toutefois de parler de « fascisme », même si, entre amis, les opposants sont nombreux à dénoncer le « régime Bush » avec des mots forts. Les choses, on le sait, sont un peu plus complexes : le virage autoritaire est réel, mais il est loin de menacer les libertés civiles dans leur ensemble. La preuve, c’est que les militants contre la guerre en Irak, bien que surveillés d’un peu trop près par les services fédéraux, continuent à marquer des points dans l’opinion, et plus de 60 % des citoyens se disent mécontents de cette guerre.

Là où l’autoritarisme est beaucoup plus évident, c’est dans l’arène internationale, et notamment au Moyen-Orient, où les implications humaines de la stratégie Bush sont autrement plus terribles : en Irak, pour commencer, où les morts se chiffrent par dizaines de milliers et où la torture est pratiquée dans des prisons militaires sous autorité des États-Unis. À Guantanamo et dans les prisons secrètes ici et là dans le monde, c’est le règne absolu du non-droit. C’est l’offensive impériale elle-même qui constitue la pointe avancée de la poussée autoritaire de l’administration Bush.

Néanmoins le durcissement interne est réel. Ses effets négatifs ne se font pas sentir seulement dans le domaine des droits, car il y a aussi toute une conception de « l’unité dans la diversité » de la nation (E pluribus unum) qui souffre de cette ambiance à la fois répressive et ethniquement sélective. Parmi les principales victimes du surcroît de surveillance post-11/9, il y a non seulement les militants de gauche et les immigrés en général (le climat sécuritaire ayant permis d’accélérer la militarisation de la frontière États-Unis - Mexique) : il y a aussi les personnes d’origine arabe et/ou de confession musulmane.

En visant ces catégories avec une sévérité particulière, les autorités vont plus loin qu’un simple abandon du principe de l’égalité des citoyens : leur action relève, qu’on le veuille ou non, d’une logique de « choc des civilisations ». George W. Bush a beau clamer qu’il n’a rien contre l’islam en tant que religion, seulement contre les extrémistes qui le détournent, le fait est que tous les musulmans et tous les Arabes (aux États-Unis, ce ne sont pas toujours les mêmes) se sentent plus surveillés, plus discriminés.

Daniel Pipes, intellectuel de choc proche de l’administration Bush, porte un regard ethnocentrique et policier sur les populations musulmanes, dont il est réputé « expert ». Si le nombre d’agressions racistes et d’arrestations arbitraires a explosé juste après le 11 septembre, ce qui prédomine aujourd’hui chez les citoyens arabes ou musulmans, c’est le sentiment d’être rejetés par la communauté nationale dont ils font partie.

On aurait tort cependant de prendre cette situation complètement au tragique. Les organisations arabes et musulmanes ont encore des droits et s’en servent activement. Elles mêlent leurs voix à celles d’autres groupes et individus, pour réclamer non seulement leur respect, mais aussi la prise en compte de leurs points de vue de citoyens. Ainsi, le Council on american-islamic relations (CAIR) incite ses membres à écrire à leurs élus en citant un discours récent du sénateur républicain Chuck Hagel : « Notre relation avec Israël... n’a pas besoin d’exister aux dépens de nos relations avec des pays arabes et musulmans. C’est un choix irresponsable et dangereux. »

À l’occasion de ce 5e anniversaire du 11 septembre, l’Arab-american anti-discrimination committee (AADC) invite ses sympathisants à manifester dans une ville près de Washington avec « des drapeaux américains et des symboles de la paix » puisque « l’Amérique doit être forte mais pacifique envers elle-même et les autres. Les vies perdues le 11 septembre 2001 ne doivent pas être utilisées comme excuse pour envahir d’autres pays... Nous aimons cette nation et nous nous préoccupons de la direction qu’elle a empruntée... ». L’un des principaux conseillers du Muslim public affairs council avait récemment rejoint un pasteur et un rabbin en délégation auprès d’une sénatrice de la Californie, pour réclamer un cessez-le-feu immédiat au Liban. Un signe parmi bien d’autres que l’aventure impériale et autoritaire de l’administration Bush rencontre une population états-unienne de plus en plus sceptique et critique, disposée à demander des comptes.

Sources : L'Humanité

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans Un pouvoir fasciste

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