POURQUOI L'OCCUPATION DURE

Publié le par Saint-Graal

Une analyse qui date de l'an passé mais très intéressante quant au parallèle sionisme-usa et le danger...

Irak : pourquoi l'occupation va durer

L’impérialisme américain s’est souvent bridé. Pas plus humaniste que les autres impérialismes il a souvent préféré différer ses entrées en guerre (1917, 1941...) et a même souvent privilégié les interventions indirectes (coups d’État, blocus économiques, pressions sur l’ONU...). Avec l’invasion franche et nette de l’Afghanistan puis de l’Irak les néo-conservateurs ont oublié les leçons de la première guerre du Golfe qui avait assez bien réussi à embrigader la France contre elle-même, contrôler les réserves de pétrole et encadrer un Saddam Hussein plus verbeux que dangereux. Malgré les infortunes somaliennes, les oligarques derrière Bush junior ont oublié ces leçons historiques et stratégiques pour envahir franchement un pays épuisé mais non résigné. 

  Exacerbant des contradictions déjà latentes au sein même du système impérial états-unien, cette occupation va durer aussi longtemps que les adversaires de l’impérialisme voudront agir ailleurs. Le bourbier vietnamien a permis à la Chine de dicter ses conditions à Nixon, le piège afghan a achevé de discréditer le caractère progressiste de l’URSS, et c’est aujourd’hui en Irak que se joue la faillite de l’impérialisme US comme l’Espagne “arriérée” a été le tombeau de l’impérialisme napoléonien pourtant supérieur en hommes, en armes et en idéaux.

I) Des alliés impossibles

 

Dès 1992 les choses se compliquent : prolifération nucléaire, déficit commercial, fiasco en Somalie... L'empire ne sait plus où donner de la tête. Hésitant longtemps à intervenir en ex-Yougoslavie, renonçant à attaquer la Corée socialiste, Clinton trébuche et tombe sur Israël, un des alliés les plus solides mais aussi les plus problématiques de Washington. Comme l'Arabie Saoudite et le Pakistan, Israël est un pays travaillé par la tentation du pire.

Clinton fut totalement impuissant à modérer les réseaux saoudiens hérités de la lutte afghane (les fameux réseaux de Ben Laden). Liés à certaines officines de la CIA, les réseaux économiques et militaires de Ben Laden (en réalité représentatifs d’une partie de la noblesse saoudienne) sont les enfants terribles du parti de la guerre américain. Sous contrôle jusqu’à la fin de l’URSS, cette armée très décentralisée se trouve “en roue libre” après la démission de Gorbatchev. C’est de cette mouvance que viennent les jeunes volontaires du “11 septembre”. Même impuissance clintonienne vis-à-vis des militaires Pakistanais. Les États-Unis laissent ces derniers s’équiper de bombes atomiques et les laissent subventionner les Talibans, alors vigiles potentiels d'éventuels pipelines américains...

Mais Israël reste le talon d’Achille de l’empire américain. Israël est l’anti-république bananière. Conservateur, Bush senior perd les élections pour avoir menacé de réduire l’aide militaire sans laquelle Tsahal n’existerait pas. A Washington, on décide d’appuyer les “colombes” résignées à la naissance d’un État palestinien. Et Clinton qui semble vouloir agir dans le même sens (visite historique à Gaza, chez Arafat) est paralysé par l’affaire M. Lewinsky qui est lancé par des “grandes oreilles” du FBI, eux même tuyautés par des agents du Mossad. Or l’espionnage de l’ami américain par Israël est une vielle histoire (scandales dans les années 80) et peu avant le 11/09 des dizaines d’agents secrets israéliens sont arrêtés et expulsés discrètement des USA.

 

Avec Israël, point d’empire magnanime ! Point de détente au Proche-Orient, pas de zone de libre-échange tranquille, ni même de stabilité autour des puits de pétrole. La fuite en avant reste une option possible, voire obligatoire. Déjà l’aide américaine à l’Irak contre l’Iran et la première guerre du Golfe avaient pour but de soulager Israël. Aujourd'hui les pressions sur la Syrie ont le même objectif.

 

L’attaque de l’Irak est l’ouverture de la boîte de Pandore des nationalités et des violences. Les États-Unis rendent le chaos possible et soulèvent contre eux des États volontiers modérés comme la France ou l’Allemagne. Des alliés pourtant indéfectibles avant et après 1992. De même, en Asie où la Chine séduit de plus en plus et inquiète de moins en moins. L’Amérique peine à empêcher Pékin de tisser des accords militaires avec Hanoï, Rangoon... La Russie est très associée à la Chine via la frontière sibérienne. Les alliés des années 50 sont même de plus en plus tentés de lâcher la vieille alliance anticommuniste : Séoul ou même Tokyo ont bloqué toute escalade avec la Corée socialiste et le soutien à l’invasion de l’Irak n’est pas décisif.

 

Le triple veto (franco-russo-chinois) à l’ONU face aux allégations bellicistes de C. Powell a été LE moment de ce monde post-américain. Le résultat un an après va sans doute accentuer ces tendances lourdes de l’après guerre froide.

Comment l’Amérique peut-elle se débarrasser de ses trois États voyous (Arabie Saoudite, Pakistan, Israël) recrutés dans la guerre contre l’URSS, mais aujourd’hui problématiques ?

 

  II) Qui veut des militaires américains à ses frontières ?

Si on met de côté l’ampleur des manifestations anti-guerre et la brutalité des soldats vis-à-vis des journalistes arabes, l’invasion est une quasi réussite. Le 1er mai 2003, Bush peut jouer les modestes et ignorer les interrogations sur les signaux “oubliés” avant le 11/09... Reste que les voisins de l’Irak ne sont pas tous égaux devant le débarquement de plus de 130 000 soldats américains bien occidentaux et très sûrs d’eux.

 

En Arabie Saoudite, en Turquie, en Iran et en Syrie, il existe dans les élites militaires et politiques trois groupes aux limites incertaines : ceux qui redoutent que l’Occident “ modernise” les mentalités par la force et menacent les pouvoirs établis, et ceux qui, à l’inverse, souhaitent que les pays arabes sortent du sous-développement avec des recettes dignes des meiji japonais, c’est-à-dire techniques occidentales, nationalisme protecteur et “valeurs” culturelles. Pour finir, des bourgeois compradores souhaitent un alignement sans conditions sur l’Occident en général et les USA en particulier. Ces trois factions n’ont pas de bornes claires et s’associent ou s’entretuent selon les conjonctures.

Riyad est un allié sur la sellette depuis le 11/09 : les pro-américains ont discrètement facilité l’invasion de l’Irak, mais les plus réactionnaires ont envoyé des bombes humaines wahhabites au même moment. L’Iran souhaitait déjà un rapprochement du temps de Clinton, mais une aile plus dure a entraîné dès juin 2003 des miliciens chiites aux techniques de la guérilla urbaine (enseignées par des cadres du Hezbollah libanais). La Turquie, elle, a carrément refusé le passage des troupes US sur son sol : l’éventualité d’une puissance locale kurde gèle toute coopération avec le maître de l’OTAN.

Coincée entre Israël et les bellicistes de Washington, la Syrie reste prudente, mais le Baas et les militaires syriens ont aidé leurs confrères irakiens à fuir les Américains, de même, elle a de très bonnes relations avec le Hezbollah libanais, lui-même ennemi farouche des Sionistes.

L’axe Washington / Tel-Aviv empêche donc les modérés iraniens, syriens et saoudiens de tolérer une intervention américaine longue et surtout tactiquement favorable à Israël. Quant aux militaires turcs, une alliance entre les Américains et les kurdes irakiens est une véritable provocation.

 

Quelque soient les orientations idéologiques des pays frontaliers de l’Irak, tous avaient intérêt à un Irak faible et stable, mais bien peu trouvent un mieux à avoir 130 000 soldats américains à leurs frontières. 

 

  III) L’Irak occupé, un Viêt-nam “géant” ?

Qui voulait mourir pour Saddam Hussein ?

 

S. Hussein a perdu de plus en plus de soutiens au fil des ans. Alors que les Chiites représentent plus de 50 % de la population le Saddam Hussein des années 1968-2003 n’a cessé de malmener puis persécuter ses compatriotes chiites : élimination du Parti Communiste Irakien (très implanté chez les chiites), persécution des dignitaires religieux chiites (peu politisés à l’origine), guerre d’agression contre l’Iran, déportation d’irakiens chiites “perses” (années 70-80), utilisation de l’arme chimique contre les révoltés du sud de 1992, etc. Quel irakien chiite pouvait bien vouloir risquer sa vie pour un tyran oriental de cette espèce ?

Outre les Kurdes persécutés pour cause d’alliances douteuses de leurs chefs (avec l’Iran durant la guerre Iran-Irak), S. Hussein s’imposa au Baas en faisant exécuter un tiers des membres du comité central. Dès lors les Sunnites les plus progressistes furent, eux aussi, laminés par le pouvoir d’un homme qui, à la fin des années 90, ne comptait plus que sur les réseaux de sa tribu (les Takriti) qui surveillaient la population et l’armée régulière à travers des organes paramilitaires (Garde Républicaine, services secrets, Fedayin de Saddam...) dont les officiers et même la troupe étaient tous des “parents” du président. Ainsi “les Fedayin de Saddam” sont tous des jeunes de Takrit, lieu de naissance du Raïs.

 

Pris en tenaille entre un embargo inhumain et un clan féodal, la population irakienne bougea fort peu quand l’orage impérialiste éclata en 2003. Même les femmes au statut si “ moderne” dans les années 80 perdirent leurs droits dans la dernière période du régime (légalisation des crimes d’honneur, polygamie encouragée, voyages extérieurs interdits sans un homme de la famille, etc.).

Les occupants trouvèrent donc un pays ruiné mais décidé à ne plus revenir en arrière. Après la guerre les Américains avaient un « coup » à jouer. Mais ils refusèrent de reconstruire réellement le pays. La seule “reconstruction” admise était celle des infrastructures pétrolières rapidement “privatisées” avec une main d’oeuvre irakienne sous-payée. Tous les gros contrats furent donnés à des multinationales associées à la famille Bush, sans aucun objectif social. Les Irakiens les plus “ouverts” furent donc déçus de ce pillage et de la passivité des Américains à rétablir la sécurité ou quelques services publics. Les idéologues de cette guerre de civilisation considérant que seuls les Européens sont dignes d’intérêt, les autres peuples étant des peuples arriérés et fanatisés. Cela explique la faillite politique de l’occupation qui n’a laissé aucune marge de manœuvre à l’ersatz de gouvernement “intérimaire” où des partis quelque peu représentatif ont perdu leur crédibilité.

Comprenant que sa seule richesse nationale lui échappait, le peuple (toutes religions confondues) se détourna de ces “libérateurs” grossiers. Les premiers actes de résistances armés éclatèrent en riposte aux actions des GI’s qui tuèrent des manifestants sans défense à Falloudja fin avril 2003... Ici ou là, en zone sunnite, des paramilitaires de l’ancien régime commencèrent à agir ponctuellement contre des convois US, comprenant que les vainqueurs n’avaient nullement l’intention de laisser les irakiens compétents rebâtir leur pays.

Finalement l’arrestation de S. Hussein et l’aggravation du quotidien fit sauter le pas à des patriotes refusant de mourir pour l’ancien président, d’anciens officiers de l’armée régulière, par exemple. Tout retour de l’ancien président étant devenu impossible, bien des opposants notoires au Baas “saddamisé” se jetèrent dans la tourmente.

C’est le cas du jeune ayatollah M. Al Sadr, fils d’un haut dignitaire chiite abattu par les services de S. Hussein en 1999. Radicalement hostile à l’occupation mais peu soutenu par l’Iran (qui préfère le modéré ayatollah Sistani), Sadr a tissé des liens avec les factions les plus intéressées à la lutte contre les États-Unis et Israël. Ainsi la résistance de la milice de Sadr aux affrontement d’avril 2004 ont dé montré qu’en un an, les miliciens les plus décidés ont acquis des techniques de guérilla urbaines très efficaces.

Incapables d’éliminer Sadr, préférant déléguer le maintien de l’ordre à d’anciens militaires baasistes à Falloudja (sic), les Américains sont au cœur d’un Viêt-nam mésopotamien aux capacités meurtrières comparables à celle du Viêt-nam des années 70. L’Irak est en effet aussi peuplé que le Viêt-nam d’alors et les soldats US plus exposés car pas assez nombreux pour sécuriser un territoire et des frontières qui captent tous les bonnes volontés hostiles à l’occupation et aux États-Unis.

 

IV) Quid des “terroristes” ?

Reste dans cette partie de billard politico-économique une force qui agit fréquemment mais apparemment sans cohérence : les bombes humaines. Les réseaux kamikazes. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ?

Si la guerre poursuit la politique avec d’autres méthodes, le terrorisme poursuit la guerre avec des armes différentes. Assassinat du représentant de l’ONU, de l’ayatollah Hakim (autre pro-iranien “modéré”), attentats-suicides devant des commissariats irakiens, bombes visant les chiites, etc. Les exemples très meurtriers ne manquent pas.

Logiquement des mains différentes agissent. Les Saoudiens qui instrumentalisent Ben Laden (dans le but de desserrer l’étau américain sur la péninsule) ont évidement envoyé des kamikazes en Irak pour agir, rarement contre des soldats occidentaux, mais plus fréquemment contre ses auxiliaires comme Hakim, les policiers “collaborateurs” ou les partis kurdes (visés le dernier jour du Ramadan au Kurdistan). C’est peut-être ce type de réseaux qui ont touché l’ONU ou le CICR, des organisations internationales qui critiquent mais rendent finalement plus présentable l’occupation américaine.

 

Reste que les mêmes techniques visent les civils chiites. Or là, les mêmes activistes wahhabites peuvent agir, mais dans l’intérêt du parti de la guerre américain ou israélien qui veut empêcher une nouvelle révolution khomeyniste, alors que bien des États pétroliers pro-US sont vulnérables à un soulèvement de leurs minorités chiites opprimées de longue date. Pour les stratèges du Pentagone et de Tel-Aviv il faut que l’Irak reste un rempart face aux Chiites qui échappent aux USA depuis 1979... Encore aujourd’hui l’Iran est une menace militaire bien plus sérieuse que la Syrie du point de vue de Sharon. Ce “parti de la guerre” fit pression en son temps sur Clinton pour que l’embargo soit renforcé sur l’Iran. La présence de Téhéran dans “l’axe du Mal” relève de la même politique.

 

Cela explique aussi l’échec américain. Une occupation réussie de l’Irak aurait été une occupation qui déléguerait le pouvoir aux Chiites (majoritaires), ce que ni Israël ni les néo-conservateurs ne souhaitent. C’est pour cela que l’équilibre précaire qui prévalait entre occupants et milices chiites pro-iraniennes se désintègre aujourd’hui. La promesse d’élections (donc de victoire chiite) des Américains ne réussit pas à faire patienter les masses chiites très politisées et de plus en plus tolérantes vis-à-vis d’un Sadr qui semble pour l’opinion plus patriote qu’intégriste.

   

 V) Conclusion : une occupation qui doit durer.

Paradoxalement cette occupation “va” durer car elle “doit” durer.

Comme les Soviétiques en Afghanistan de 1979 à 1989, les Américains vont être obligés de persister dans leur faute stratégique : un retrait “rapide” serait interprété à juste titre comme un reflux de l’impérialisme. Bush et ses pétroliers perdraient d’un coup les ressources irakiennes en brut et peut-être d’autres alliés dans la région (la Jordanie par exemple). Une “irakisation” de la violence n’est guère une solution durable car toutes les forces politiques irakiennes sont, comme les anciens baasistes, prisonnières de l’opinion irakienne qui s’est détournée des fantoches (H. Chalabi le politicien le plus proche de Washington est aussi le plus rejeté par les Irakiens). Une occupation qui se renforcerait (envoi de renforts massifs) finirait par lasser l’opinion américaine qui tolère déjà mal le coût financier, humain et mo ral de cette aventure qui lui semble largement suspecte. De même la bourgeoisie américaine doute de plus en plus des bienfaits de cette guerre. À partir de quand la relance par l’effort de guerre va-t-il coûter plus qu’il ne rapporte ?

Fixant la guerre impérialiste en Irak et pas ailleurs les opinions publiques arabes et européennes vont rester ouvertement hostiles aux États-Unis. Les pays frontaliers vont tout faire pour rendre l’occupation coûteuse et décourager toute velléité d’intervention. Pour finir, la brutalité et les crimes de guerre de la soldatesque jeune et apeurée vont achever de pourrir le climat aux États-Unis même.

N’oublions pas que les puissantes légions de Napoléon I° se sont embourbées dans l’Espagne d’ancien régime. Les masses luttèrent avec les dernière énergie contre les occupants pourtant animés de projets moins réactionnaires que les troupes de Bush… Prisonnier des mythes du 11 septembre 2001 (a-t-on laissé agir les terroristes ?), des mensonges de la guerre (ADM introuvables) et de l’alliance funeste avec le sionisme, l’oligarchie proche de Bush ne va pouvoir suivre qu’une seule politique : la pire.

 

Sources : http://perso.wanadoo.fr/quefaire/Irak%20mai%2004.htm

Posté par Adriana Evangelizt

 

Publié dans USA-ISRAËL

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