Une loi américaine est à l’origine du démantèlement de la Yougoslavie

Publié le par Adriana Evangelizt

Un article intéressant pour bien comprendre qui a voulu le démantèlement de la Yougoslavie. Les Etats-Unis comme d'habitude.

Une loi américaine est à l’origine du démantèlement de la Yougoslavie

Le 5 novembre 1990, une année avant la dissolution de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, le Congrès américain adoptait la Foreign Operations Appropriation Law (Loi sur l’octroi d’aides financières à l’étranger) pour 1991. Cette loi 101-513 fut une condamnation à mort. Une de ses dispositions notamment était si néfaste qu’un rapport de la CIA – mentionné trois semaines après, le 27 novembre 1990, dans le New York Times – prédisait qu’elle déclencherait une guerre sanglante. Un article stipulait que les Etats-Unis retireraient dans un délai de six mois tout soutien à la Yougoslavie, rompraient leurs relations commerciales et supprimeraient tous les crédits et prêts. En outre, cet article exigeait que soient organisées des élections séparées dans chacune des six républiques, les modes de scrutin et les résultats des élections devant être soumis à l’autorisation du ministère américain des Affaires étrangères. C’est seulement si ces conditions étaient remplies qu’on accorderait à nouveau une aide financière aux républiques.

De plus, cette loi obligeait les employés américains de toutes les institutions financières internationales, par exemple la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, à imposer cette politique, c’est-à-dire la suppression de tous les crédits et prêts. Elle contenait une ultime disposition selon laquelle seules les forces politiques considérées comme «démocratiques» par le ministère américain des Affaires étrangères pourraient recevoir un soutien financier. Cela signifiait pratiquement un afflux de sommes considérables vers des petits partis politiques de droite nationalistes dans un pays plongé subitement dans une crise profonde due à la suppression du soutien financier. Comme on pouvait s’y attendre, les effets furent catastrophiques. Cette loi a ruiné le pays. Il n’était plus en état de payer les intérêts très élevés de ses dettes à l’étranger, ni d’acheter les matières premières nécessaires à l’industrie. Ce fut l’effondrement financier. On s’accusait mutuellement. A ce moment-là, il n’y avait pas encore de guerre civile en Yougoslavie; aucune des républiques n’avait choisi la sécession. On ne remarquait rien du différend opposant les Etats-Unis et la Yougoslavie. On ne mentionnait même pas ce pays dans les actualités. L’attention mondiale, à cette époque, se concentrait sur la coalition internationale réunie par le gouvernement Bush dans l’intention d’anéantir l’Irak par une guerre destinée à refaçonner le Proche-Orient au prix d’un demi-million de morts irakiens.

Qu’est-ce qui se cachait derrière cette loi catastrophique visant la Yougoslavie? On était conscient de sa gravité car les stratèges américains prévoyaient qu’un démantèlement subit de ce pays mènerait à la guerre civile. Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, le grand capital américain gagnait du terrain agressivement pour imposer un nouvel ordre sur tout le continent européen. On n’avait alors plus besoin de la Yougoslavie non alignée qui était auparavant un Etat tampon entre l’OTAN et les pays du Pacte de Varsovie. On ne souhaitait pas plus une Europe unifiée et forte. Pour les stratèges de Washington, il s’agissait là de vestiges de la guerre froide.

Chantage financier

Cette loi 101-513 était une manifestation de l’immense pouvoir du gouvernement des Etats-Unis. Elle faisait partie de la législation annuelle qui fixe les détails de la politique que les Etats-Unis doivent pratiquer dans les diverses parties du globe. Elle assure au gouvernement un vaste contrôle économique en mettant des aides financières importantes à la disposition d’institutions financières internationales comme la Banque interaméricaine de développement, le Fonds asiatique de développement, le Fonds de développement pour l’Afrique et de certains pays soutenus directement. Les restrictions impitoyables imposées à la Yougoslavie tenaient en 23 lignes. En revanche, les sanctions imposées à l’Irak étaient détaillées sur 9 pages. Jusqu’en janvier 1995, les sanctions des Etats-Unis et des Nations unies contre l’Irak avaient déjà causé la mort de plus d’un million d’enfants irakiens. Ce chiffre est une estimation de Thomas Ekfal, représentant de l’UNESCO à Bagdad (cf. New York Newsday du 19/12/1994). La loi de 1990 fixait en outre diverses mesures visant à étrangler économiquement certains pays considérés comme ennemis, dont l’Angola, le Cambodge, Cuba, l’Iran, l’Irak, la Libye, la Syrie, La Corée du Nord et le Vietnam. Par contre, les pays qui introduisirent avec zèle l’économie de marché capitaliste dès 1990, telle la Pologne, reçurent une aide financière considérable.

Dans les nombreuses déclarations de sympathie vis-à-vis des réfugiés et des personnes déplacées dans le monde, en particulier en ex-Yougoslavie, aucun représentant américain n’a jamais mentionné les terribles souffrances causées par l’étranglement économique provoqué par les USA.

Il est vrai qu’en 1990, la Yougoslavie n’était pas confrontée au problème de la dépendance financière pour la première fois. Elle dépendait complètement des prêts des banques occidentales. Les conditions de plus en plus dures qu’on lui imposait avaient ébranlé son économie. Une année auparavant, elle avait dû payer un prix élevé pour obtenir de nouveaux prêts et crédits aux Etats-Unis. Un plan de rigueur brutal fut adopté qui eut de lourdes conséquences: dévaluation de la monnaie nationale, gel des salaires et des traitements, réduction des subventions, fermeture de nombreuses entreprises nationales jugées non rentables pour les investisseurs capitalistes et finalement passage du taux de chômage à 20%. Cela entraîna des grèves, des arrêts de travail et une nette augmentation des tensions économiques et politiques, surtout l’aggravation des hostilités interethniques.

Après qu’en 1990, les Etats-Unis eurent préparé le démantèlement de la Yougoslavie, les puissances européennes ne restèrent pas passives devant le spectacle de l’éclatement forcé d’un pays tout proche. La loi américaine était un signe clair transmis aux puissances européennes indiquant que la Yougoslavie et les Balkans européens étaient ouverts au pillage. Elles n’auraient sans doute jamais osé entreprendre quoi que ce soit de leur propre initiative mais désormais elles craignirent que cette entreprise ne se fasse sans elles.      

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Depuis la guerre du Kosovo de 1999 qui a soulevé au sein du grand public la question du rôle des médias pendant la guerre et de la communication en temps de crise en général, on constate une augmentation considérable et continue du nombre de publications sur les médias et la guerre. Il semble qu’une loi admise depuis longtemps dans les sciences de la communication ait été invalidée. Selon cette loi, toutes les guerres suscitent une crise des médias au cours de laquelle ceux qui y travaillent sont amenés à se demander comment ils ont communiqué sur la guerre pour revenir bientôt à d’autres sujets sans avoir tiré aucune leçon pour la guerre suivante.

Le fait qu’on soit apparemment plus sensible, et cela plus ou moins durablement, à la manière dont les médias traitent le sujet de la guerre s’explique avant tout par deux raisons. Premièrement, le 11-Septembre et ses conséquences nous ont pratiquement conduits à un état de guerre permanente, ce qui a entraîné un débat permanent sur les contenus et les formes de la communication sur la guerre et les crises. Deuxièmement, un changement qualitatif et quantitatif rapide de cette communication a eu lieu, qui est lié au rapide progrès technologique et à la mondialisation, ce changement posant plus de questions qu’il n’apporte de réponses.

Les recherches sur la paix constatent aussi un intérêt croissant pour la question. Ce qui est frappant en général – et pas seulement dans les recherches sur la paix – c’est que deux aspects de cette problématique complexe sont négligés. Le premier est le manque d’intérêt pour les guerres balkaniques des années 1990, à part la guerre du Kosovo, bien que l’agression de l’OTAN contre la Yougoslavie est partie de là à bien des égards. Le deuxième concerne l’influence des opérations de «relations publiques» sur la communication sur la guerre et les crises. Il faut toutefois reconnaître que cet aspect est difficile à saisir de façon méthodique puisque les relations publiques manquent, par nature, de transparence et que par conséquent elles échappent à une analyse systématique.

Source: Operation Balkan: Werbung für Krieg und Tod. Page 9/10

Source: Alexander Dorin (Hrsg.), In unseren Himmeln kreuzt der fremde Gott, p. 127–130, ISBN 3-9521797-0-1. (Traduction Horizons et débats)

Sources Horizons et débats

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans Poutine Bush

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