Poutine et le Kosovo

Publié le par Adriana Evangelizt

Poutine : quand je dis « Kosovo », je pense « Caucase »
Par Luka Zanoni

En faisant une déclaration inattendue au cours d’une conférence de presse, le Président russe Vladimir Poutine a relié la résolution du statut du Kosovo avec les conflits de la région caucasienne, laissant abasourdis les membres du Groupe de contact qui étaient réunis en même temps à Londres pour parler du Kosovo. Selon le Kremlin, si le Kosovo devient indépendant, pourquoi pas l’Abkhazie ou l’Ossétie du Sud ?

« La communauté internationale doit avoir des principes uniques et universels pour la résolution des problèmes interethniques... Si par exemple, le Kosovo pouvait devenir indépendant, pourquoi pas l’Abkhazie ou encore l’Ossétie du Sud ? »

Tel est le message que le Président Poutine a envoyé depuis le Kremlin aux chancelleries occidentales le 31 janvier dernier, le jour même où le groupe de contact (qui réunit les USA, la Russie, l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne) se réunissait à Londres pour discuter de la conférence des donateurs pour l’Afghanistan mais aussi de la situation au Kosovo, quelques jours après la mort de son Président.

La déclaration inattendue de Poutine semble claire, la solution de la situation au Kosovo ne peut pas fournir un « précédent », comme seraient disposés à l’envisager certains cercles occidentaux, mais elle doit reposer sur des principes « universels ». En substance, Poutine aurait fait savoir, notamment à Washington, que la Russie n’a pas l’intention d’accepter passivement l’indépendance du Kosovo et qu’elle exercera une pression discrète sur les diplomaties occidentales, de manière à suggérer que, quand le sort du Kosovo sera tranché, cela pourrait avoir des conséquences au Haut Karabagh, voire même en Transnistrie, qui souhaite se détacher de la Moldavie.

À la grande surprise des chefs de la diplomatie des pays du Groupe de contact, Poutine a lié d’un seul coup la solution du statut du Kosovo aux problèmes du Caucase. Aussitôt, le journalPolitika de Belgrade, plus vieux quotidien des Balkans, titrait : « quand je dis Kosovo, je pense au Caucase ».

De surcroît, Vladimir Poutine est allé encore plus loin, en demandant pourquoi le modèle appliqué en Macédoine, grâce auquel la population albanaise a l’accès aux institutions publiques en fonction de son pourcentage relatif dans la population globale, ne pourrait pas être également appliqué à Riga, en Lettonie où vivent - selon le Président russe - 60% des Russes.

Le Premier ministre géorgien, Zurab Nogaideli, a rapidement réagi aux positions de Poutine, en estimant, selon l’agence Caucas-Press, inacceptable que le modèle du Kosovo soit appliqué au Caucase. « Le modèle du Kosovo est bon pour le Kosovo, mais pour la solution des problèmes géorgiens, il faudra un modèle spécifique pour l’Abkhazie et pour l’Ossétie du Sud », a-t-il affirmé.

De son côté, le gouvernement a accueilli favorablement la sortie du Kremlin. Selon la responsable du Centre de coordination pour le Kosovo et Metohija, Sanda Raskovic-Ivic, « le Kosovo ne peut pas être totalement séparé des autres événements, du fameux effet domino, qui pourrait se, vérifier non seulement dans la région, mais même au-delà. Avec sa déclaration, Poutine, de toute manière, défend non seulement les intérêts de la Serbie et Monténégro, mais aussi les principes du droit internationaux, qui doivent être respectés ».

Selon le directeur du bureau de Belgrade de l’International Crisis Group, James Lyon, qui a été interrogé par B92, la Russie soutiendrait en réalité la position des USA sur le Kosovo, mais « a communiqué une déclaration différente pour sa propre opinion publique ».

Cependant, d’après les analystes russes, la position du Kremlin est claire. En insistant sur le caractère universel de la solution pour le Kosovo, la Russie défend ses propres intérêts dans l’espace post-soviétique, même si elle n’est probablement pas prête à entrer en conflit avec l’Occident à propos du Kosovo. Ainsi, la Russie resterait hostile à l’indépendance du Kosovo, sauf si ce principe prenait une valeur universelle, devenant donc applicable dans le Caucase.

Le but de la Russie serait de ralentir la résolution définitive du dossier du Kosovo. Ainsi, le chef de la diplomatie russe, Sergej Lavrov, présent à la rencontre du Groupe de contact, a déclaré que son pays « était hostile à l’introduction d’échéances artificielles pour la fin des négociations sur le Kosovo ». Selon lui, la Russie ne partage pas la position des autres membres du Groupe de contact qui veulent que le processus de négociation soit terminé dans le courant de l’année 2006.

Goran Svilanovic, ancien ministre des Affaires étrangères de Serbie et Monténégro et maintenant fonctionnaire du Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est, s’est également exprimé sur les déclarations de Poutine. Selon lui, la rencontre du Groupe de contact a montré que le processus en cours dépendait de deux types de problèmes. « Les premiers concernent les discussions à l’intérieur du Groupe de contact, l’autre les discussions à venir entre Belgrade et Pristina, et il est désormais évidents que les positions de la Russie et celles des autres membres du Groupe de contact sont différentes. De toute façon, la position russe est plus claire qu’il y a quelques semaines, mais c’est toujours une position qui tient compte de plusieurs variables, qui sont de la plus haute importance pour la Russie. Sans que le Kosovo n’y pèse beaucoup ».

Sources : Le courrier du Caucase

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans Poutine Bush

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