LE PLAN DE LA BASE SECRETE US EN SARDAIGNE

Publié le par Adriana Evangelizt

Le plan de la base secrète de l'Oncle Sam: une base atomique US contre l'Europe


Par Enrico Porsia

Lundi 17 mars 2003, le Squadron Submarine 22, basé sur l'île de Santo Stefano, dans l'archipel de La Maddalena, est en pleine effervescence. Il s'agit d'une unité très discrète. La US-Navy dit qu'elle se compose "du navire d'appui logistique USS Emory Land et de différents sous-marins déployés en Méditerranée". Combien sont-ils? C'est top secret. Quelques jours plus tard, tandis que le Emory Land attendait patiemment dans la base US de l'île de Crête, les sous-marins d'attaque de la classe Los Angeles, en provenance de Santo Stefano, déversaient toute leur cargaison de missiles, Tomahawk et Cruise, sur l'Irak. En violation complète de toute délibération du parlement italien, l'Oncle Sam s'est arrogé le droit d'intervenir à partir du territoire de la Péninsule. Il faut dire que le Pentagone ne s'est jamais embarrassé de procédures pour activer, unilatéralement, ses unités basées en Italie. En 1986, la Libye subit des frappes américaines. Les sous-marins, en provenance de Santo Stefano, faisaient partie du dispositif d'attaque.

Mercredi 8 octobre 2003, lors de la session parlementaire, Mauro Bulgarelli, élu des Verts, interroge le ministre des Affaires étrangères italien. Le député a appris, en lisant une dépêche de l'agence italienne ANSA, que le ministre de la Défense vient d'autoriser l'agrandissement de la base atomique US de Santo Stefano. Mauro Bulgarelli veut des explications: Est-il vrai que 3.500 militaires US supplémentaires arriveront sur l'archipel sarde? Est-il vrai que la marine américaine, qui disposait d'un simple droit de mouillage, pourra désormais s'installer au sol? Est-il vrai que la nouvelle base comprendra 52.000 mètres cubes de constructions nouvelles? Est-il vrai que huit nouveaux sous-marins atomiques seront positionnés à Santo Stefano?

Par cette lettre, adressée au maire de La Maddalena, datée du 24 juin 2003, trois mois avant l'accord du ministre de la Défense, la US-Navy faisait connaître ses "exigences" en vue de la construction de la nouvelle base. La US-Navy demande même à la mairie d'avoir un droit de regard sur le plan d'occupation des sols de la ville.

Carlo Giovannardi, le ministre italien chargé des rapports avec le parlement explique à la presse: "La position de notre Gouvernement est très claire, nous retenons que des questions de sécurité nationale et d'alliances internationales font que les engagements de l'Italie doivent être maintenus. En ce moment, face au terrorisme et aux nouveaux défis, nous devons avoir une plus grande cohésion entre alliés".

La fonction originaire de la base US de La Maddalena consistait à intercepter des sous-marins soviétiques. Nous étions dans un autre siècle. L'Etat italien considérait alors qu'accorder aux Américains un simple droit de mouillage était justifié par la présence d'un adversaire commun. Aujourd'hui que l'URSS n'existe plus, pourquoi les Américains veulent-ils renforcer leur présence à La Maddalena? Pourquoi veulent-ils envoyer 3.500 militaires supplémentaires, alors qu'ils disposent, déjà, d'environ 2.500 hommes sur place? Pourquoi veulent-ils édifier une base au sol?

"Cette décision annonce une escalade dans les conflits moyen-orientaux" nous indique Mauro Bulgarelli. "Déjà au début des années 80, quand les Américains avaient décidé d'installer 112 missiles atomiques Cruise à Comiso, en Sicile, ces derniers n'étaient pas dirigés contre l'Union Soviétique. Depuis la Sicile, leur rayon d'action ne permettait pas d'atteindre des objectifs décisifs du pacte de Varsovie", nous explique Bernard Ravenel, observateur attentif de la géopolitique méditerranéenne qui, en 1990, avait publié un livre, très documenté, Méditerranée. Le Nord contre le Sud? "Déjà à l'époque, les Cruise avaient été installés en Sicile pour menacer les pays arabes. Du Moyen-Orient à l'Afrique du Nord. Et pour garantir le contrôle des routes du pétrole. Aujourd'hui, on assiste à une inquiétante prolifération du nucléaire. Regardez la situation moyen-orientale: Israël et l'Inde, le Pakistan et l'Iran... Les Etats-Unis sont aussi visiblement agacés par certaines prises de position européennes. L'accord conclu entre la France, l'Allemagne et la très timide Grande-Bretagne sur la mise en place d'un 'quartier général européen', accord désormais validé par les vingt-cinq Etats membres de l'Union, n'est pas au goût de Washington. C'est sûr que les Etats-Unis cherchent de plus en plus à occuper l'espace méditerranéen en multipliant des accords bilatéraux; avec l'Italie et l'Espagne, mais aussi avec l'Algérie, l'Egypte, la Tunisie. Il est évident que cela n'est pas fait pour apaiser les rapports avec Paris".

"Le point de vue de la US-Navy est très clair. Ella a toujours considéré la Méditerranée comme une clef stratégique pour l'Europe, le Nord de l'Afrique et la partie est de l'Europe centrale", souligne, de son côté, Salvatore Sanna, expert au comité des sites militaires sardes; "L'agrandissement de la base atomique de La Maddalena est une réponse, directe, aux ambitions de créer une défense européenne autonome. Des ambitions qui sont incarnées par la France". Ayant siégé depuis 1978 au comité des sites militaires en Sardaigne, Salvatore Sanna possède des archives impressionnantes. Et une mémoire digne d'un puissant disque dur. "Dans un document officiel de la US Navy", nous précise-t-il, "il est textuellement écrit que 'le Squadron Submarine 22 a aussi pour fonction d'être un instrument visible de la politique étrangère américaine', et que la base de La Maddalena permet à la marine US 'de surveiller tout le trafic maritime dans la partie nord de la Méditerranée' ".

L'Italie est prête à offrir à la US-Navy, 19 hectares (15 hectares sur l'île de La Maddalena et 4 hectares sur l'îlot de Santo Stefano) de son territoire national. A 10 kilomètres des côtes corses, les Américains vont édifier un "Guantanamo" atomique au cœur de la Méditerranée. Parmi les nouvelles structures nécessaires au bon fonctionnement de cette base atomique, "consolidée", comme il est écrit dans ce document de la US-Navy rédigé en italien, l'Oncle Sam prétend aussi à la mise en place d'un poste de police. Uniquement dans des lieux bien définis, notamment les ambassades, qui jouissent d'extraterritorialité, un pays admet la présence de policiers étrangers, portant leurs propres uniformes et exerçant leurs fonctions. La nouvelle base atomique "consolidée" de La Maddalena jouira donc d'un privilège rare.

 

L'Oncle Sam aura donc sa nouvelle base atomique. L'Italie est prête à offrir à la US-Navy, 19 hectares de son territoire national situé sur les îles de La Maddalena e de Santo Stefano. A 10 kilomètres des côtes corses, les Américains vont édifier un "Guantanamo" atomique au cœur de la Méditerranée. Si l'on en croit les plans de la Navy Support Activity, l'oncle Sam souhaite édifier non pas 52.000 mètres cubes de constructions nouvelles, mais 4 fois plus. Deux cent mille mètres cubes de bâtiments sont désormais nécessaires afin que le Pentagone puisse "consolider" cette position stratégique, qui n'est pas immédiatement intégrée au système de l'OTAN. La Maddalena est une base américaine sur le territoire italien. Un territoire italien qui, selon les plans de la marine militaire US, que nous nous sommes procurés, pourrait jouir d'un statut d'extraterritorialité. En effet, parmi les nouvelles structures nécessaires au bon fonctionnement de cette base atomique, "consolidée", l'Oncle Sam prétend aussi à la mise en place d'un poste de police. Il sera installé dans un bâtiment de 840 m2, qui hébergera, outre les policiers, aussi des sapeurs pompiers. Tous débarqués d'outre-atlantique. Or, l'institution d'un corps de police par le département de la Défense US, sur une parcelle de territoire national italien, constitue une première. Même sur les bases de l'OTAN, dispersées sur le territoire de différents pays membres, les fonctions de police sont assurées par le pays hôte. En Italie, c'est le corps des carabiniers qui est en charge de cette mission. Uniquement dans des lieux bien définis, notamment les ambassades, qui jouissent d'extraterritorialité, un pays admet la présence de policiers étrangers, portant leurs propres uniformes et exerçant leurs fonctions. La nouvelle base atomique "consolidée" de La Maddalena jouira donc d'un privilège rare.

"Nous nous trouvons dans une situation qui équivaut à une véritable expropriation de notre souveraineté nationale", dénonce Mauro Bulgarelli, "depuis les années 50 le gouvernement italien a autorisé le gouvernement des Etats-Unis à disposer d'installations militaires, situées sur notre territoire national, dont on ignore les activités et même les emplacements exacts. Et, cela, grâce à certains accords secrets. Des accords secrets qui règlent les prérogatives concédées aux USA sur notre territoire en violation complète des articles 80 et 87 de la Constitution qui prévoient que le Parlement et le président de la République, non seulement soient mis au courant, mais qu'ils ratifient, formellement, de tels engagements".

L'Italie est un pays à souveraineté limitée (voir notre enquête Le réseau Gladio et la démocratie confisquée), et la base atomique que l'Oncle Sam a installée sur l'archipel sarde de La Maddalena en est un exemple éclatant.

C'est en 1972 que les Américains obtiennent le droit de mouillage pour un navire d'appui logistique et pour des sous-marins d'attaque dans la baie de Santo Stefano. Dans ce lieu, l'armée militaire italienne dispose d'un dépôt de munitions qui, avec l'injection d'argent en provenance de l'OTAN, se transformera petit à petit en une infrastructure importante. Huit kilomètres de tunnels ont été creusés dans le granit. Les sous-marins de l'Oncle Sam n'ont pas le droit d'être basés à terre, le navire de support logistique est amarré, lui, sur un quai, baptisé "le quai de l'OTAN". Pendant la guerre froide, les sous-marins étaient employés pour des actions de contrôle et d'attaque contre des sous-marins soviétiques. En 1993, l'empire soviétique n'est plus, et c'est pourtant cette année-là que la marine US décide de renforcer d'une manière significative sa présence sur sa base flottante. Entre temps, au sol, des baraquements ont fait surface, ils occupent un volume de 18.000 mètres cubes. Sous l'eau, de plus en plus de sous-marins patrouillent. Sur l'eau, les bâtiments militaires de la US-Navy se pressent pour faire escale au "quai de l'OTAN". Un quai qui porte improprement son nom. Aucun drapeau de l'OTAN n'est visible à Santo Stefano, là où flottent les "Stars" et les "Stripes".

Voici les deux projets envisagés pour la nouvelle base. L'un à site unique, le deuxième à deux sites séparés. Sur l'île de La Maddalena, l'Oncle Sam envisage de construire 33.430 m2 au sol, soit environ 150.000 m3 de bâtiments. Sur l'îlot de Santo Stefano, dans un espace de 4 hectares, la US-Navy souhaite édifier 52.000 m3 de constructions

"Lorsque le 24 novembre dernier je me suis rendu avec les députés Paolo Cento et Elettra Deiana à la base de Santo Stefano", nous raconte Mauro Bulgarelli, "le commandant du corps militaire italien en charge de la sécurité des lieux nous a déclaré: 'Nous ne devons, ni nous ne voulons savoir s'il y a des armes nucléaires à bord des bateaux et des sous-marins américains'. Vous voyez, cette phrase est surréaliste. Comment fait-il pour exercer et garantir la sécurité des personnes et de l'environnement, sans avoir connaissance des armes qui l'entourent? Mais, si j'y repense bien, ce militaire italien ne pouvait pas me répondre d'une façon différente: un mécanisme absurde d'expropriation de notre souveraineté nationale l'empêche d'exercer, même s'il le souhaitait, toute forme de contrôle", nous affirme encore le député. "Savez-vous qu'on ne connaît même pas la configuration exacte de la flotte sous-marine US à La Maddalena? Savez-vous ce qu'on nous répond quand on s'inquiète de la façon dont sont stockées les armes atomiques, et des procédures relatives à l'écoulement des déchets radioactifs? Ils nous rétorquent: 'No comment'. C'est une insulte à notre souveraineté nationale!" s'insurge Mauro Bulgarelli. "Regardez notre Gouvernement. Il a toujours démenti la présence d'armes atomiques à la Maddalena, et cela malgré le fait que le Congrès américain n'ait eu aucune difficulté à en confirmer la présence. Savez-vous combien de missiles atomiques sont stockés uniquement sur le navire Emory Land? Là-dedans il y a, au moins, 34 missiles atomiques Cruise et Tomahawk! Et, connaissez-vous la puissance d'un seul de ces missiles? Une charge de 200 kilotonnes.10 fois plus que la bombe d'Hiroshima".

Sources : AMNISTIA NET

Posté par Adriana Evangelizt

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