Lueur d'espoir en Irak

Publié le par Adriana Evangelizt

Lueur d'espoir en Irak ?

par Jocelyn Coulon

Ses articles

La formation d’un nouveau gouvernement d’unité nationale en Irak a été saluée à Londres et à Washington comme un " point tournant " dans l’histoire de ce pays. À l’évidence, la mise en place de ce gouvernement arrive à point, tant pour l’administration Bush, qui n’a plus le soutien de la population américaine pour la guerre en Irak, que pour Tony Blair, soucieux de quitter le pouvoir sur une note positive. Pour les Irakiens, au contraire, les choses se présentent autrement : rien ne va changer. Ils auront droit à une occupation permanente et, donc, à une violence de plus en plus meurtrière.

Depuis mars 2003, Londres et Washington sont devenus des spécialistes dans l’art de présenter des situations désastreuses en moments jeffersoniens. L’occupation de l’Irak est en effet caractérisée par des déclarations ahurissantes, produites par des machines à propagande jamais à court de superlatifs : les moments sont décisifs, les jours nouveaux, les points tournants et les chances à saisir à tout prix. On s’agite beaucoup au sein des officines afin de faire croire à des progrès, même si la régression est chaque fois au rendez-vous.

Les revenus pétroliers devaient financer la reconstruction, l’électricité devait alimenter le pays entier en tout temps, les cliniques et les hôpitaux devaient pousser comme des champignons, les différents gouvernements installés par l’occupant devaient être des modèles de vertu et d’ouverture ethnique. Trois ans plus tard, la production pétrolière diminue, de grandes villes sont plongées dans le noir, l’armée américaine a construit une quinzaine de cliniques sur la centaine prévue, et les anciens gouvernements ont tous été présentés par les nouveaux comme des ramassis de corrompus et d’assassins.

Au-delà du babillage prononcé ces jours-ci par la secrétaire d’État Condoleezza Rice sur la " fermeté ", la " clairvoyance " et " l’honnêteté " du nouveau premier ministre Nuri Kamal al-Maliki, un homme dont elle ignorait jusqu’à l’existence il y a quelques semaines, le plus grand défi du gouvernement irakien sera de rétablir la sécurité. Au mois d’avril seulement, et dans la seule ville de Bagdad, 1000 personnes ont été retrouvées froidement exécutées, cela sans compter ceux qui meurent dans des attentats. Le Pentagone estime à 100 le nombre d’Irakiens tués chaque jour depuis quelques semaines.

L’invasion de l’Irak, l’installation de gouvernements illégitimes, l’incapacité à pacifier rapidement l’Irak ont produit une situation chaotique propice à ce que tout analyste de cette dynamique avait prédit : l’émergence parallèle de milices aux allégeances strictement ethniques ou religieuses et de groupes criminels rançonnant la population ou les étrangers. Le résultat est aujourd’hui catastrophique. Le gouvernement central n’a plus aucune prise sur les milices, la lutte de pouvoir entre les trois groupes principaux- chiite, sunnite et kurde- entraîne le nettoyage ethnique et religieux dans les grandes villes et dans certaines régions, et une partie de la classe moyenne prend actuellement le chemin de l’exil. L’État irakien, pour ce qu’il représente encore, s’en trouve chaque jour fragilisé. La reconstruction sera longue et l’issue incertaine.

Une occupation permanente

La violence en Irak est aussi la conséquence de l’occupation anglo-américaine. Et comme il y a violence, les troupes américaines et britanniques ne peuvent partir tant et aussi longtemps que les forces irakiennes ne pourront assurer la sécurité, dit la version officielle. Ce lien mécanique entre la mise sur pied d’une armée irakienne efficace sur le plan intérieur et le départ des troupes occupantes ne tient pas. Pourquoi ? Tout simplement parce que d’autres considérations expliquent le refus de Washington et de Londres de rebâtir une force militaire irakienne capable d’assurer l’ordre interne et la sécurité contre les voisins.

Henry Kissinger a donné une partie de l’explication de manière limpide et sans détours lundi dans le quotidien Le Monde. " Imaginons les conséquences d’un retrait américain rapide : la Turquie serait fortement incitée à agir dans les régions kurdes, déclare-t-il. De même, les Iraniens voudraient dominer le sud. Les États musulmans sunnites pourraient être tentés de dresser une sorte de barrière contre les chiites. Et parallèlement à tout cela, il y a risque de guerre civile : un cauchemar pour tout le monde, qui poserait la question d’une nouvelle intervention étrangère. "

Le scénario de Kissinger est plein de bon sens. En effet pour éviter qu’il ne se produise, il n’y a que deux options : la première consiste à rebâtir l’outil militaire irakien tel qu’il était sous Saddam Hussein et qui avait contenu toutes les menaces. Or, pour l’administration Bush, cette option est exclue, car un Irak fort est un danger et fait obstacle aux véritables objectifs de l’invasion.

La deuxième option vise à maintenir l’Irak dans un état de faiblesse permanente. Un Irak faible aura toujours besoin de troupes américaines pour sa sécurité, car leur seule présence devrait dissuader les voisins de faire main basse sur le pays. Cela permet aussi de le transformer en plate-forme militaire pour les États-Unis au Proche-Orient afin d’assurer l’accès au pétrole et la sécurité d’Israël et de contrer, si possible, le programme nucléaire iranien. Les Irakiens n’ont pas fini de connaître la violence, quelle soit intérieure ou provenant de l’extérieur.

Sources : Cerium

Posté par Adriana Evangelizt

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